Ces rubriques de JSF (Dans la presse et Sur la toile) sont destinées à ne pas nous satisfaire de l’entre-soi. A être familiers des analyses et de la pensée de ceux qui nous entourent, parfois très proches, parfois adversaires. Nous nous y enrichissons et souvent nous créons par là des contacts qui portent leurs fruits. Car nos idées, nos articles, aussi séduisent, bien au-delà de nos cercles. Ainsi, d’ailleurs de Zemmour, à l’évidence. Parfois plus – ou mieux – Action Française que nous !
Il s’agit ici de la Chine que les Occidentaux, en particulier les Européens, ont abordée, dans sa phase de décollage économique, avec ce mélange d’arrogance et de naïveté dont leur idéologie libre-échangiste aura singulièrement aggravé les effets. Le secteur économique s’est lancé lui-même dans l’expérience chinoise avec à la fois griserie et cupidité, ce qui confirme son incapacité à discerner le Bien Commun à long terme et, sans-doute, pas même le sien. La défaillance des politiques a produit la situation où nous voici. Trump a lancé le signal de la réaction mais pour le compte de l’Amérique. Qui se souciera sérieusement du nôtre ? Maacron le veut-il ? Le peut-il ? [Figaro magazine du 8.11). JSF
« Les Chinois jouent aux Européens l’air qu’ils veulent entendre »
Le voyage en Chine est devenu en ce début de XXIe siècle l’équivalent du voyage en Amérique au début du XXe.
On va y voir le géant d’aujourd’hui, et surtout de demain, avec un mélange de fascination et de cupidité. Fascination pour ces gigantesques « villes debout », comme disait Céline de New York. Cupidité pour tous les « contrats » qu’on rêve d’y signer. Emmanuel Macron n’échappe pas à cette chimère lorsqu’il s’y rend, un peu comme Angela Merkel qui impressionne les médias en faisant le voyage pour Pékin plusieurs fois par an. Les Français veulent y déceler le secret des exportations colossales de notre voisin en matière d’automobiles et de machines-outils. Et si l’industrie allemande avait simplement les bons produits au bon moment sur le bon marché ? Le luxe français n’a pas besoin du VRP élyséen pour vendre à foison en Asie. L’agroalimentaire non plus. L’Élysée explique que le président va permettre aux marques alimentaires hexagonales d’être mieux protégées. Pourquoi pas ? Il faut seulement rappeler que les autorités françaises ne peuvent agir qu’à la marge: en matière de négociation commerciale, c’est la Commission de Bruxelles qui a la seule compétence.
Et l’idéologie de celle-ci est restée la même depuis les années 1980 : libre-échange, concurrence et consommateur-roi. Cette idéologie n’est pas de la naïveté, mais y ressemble furieusement. Dans les années 1990, les politiques et les patrons français – et européens – affirmaient que la Chine ferait pendant des décennies du textile tandis qu’on lui vendrait des Airbus. C’est avec cette arrogance stupide que les Occidentaux ont fait entrer la Chine dans l’OMC en 2001. La suite est connue : un carnage pour notre industrie textile, mais pas seulement. On évaluait à un million d’emplois perdus le résultat de cette ouverture. Mais, à l’époque, c’étaient les industriels européens et américains qui menaient la danse en délocalisant leurs usines. Très vite, les Chinois sont montés en gamme. Pas difficile. Ils avaient sur place les technologies que les Occidentaux leur avaient mises sous le nez. Il suffisait de piller, de copier, voire d’améliorer. Désormais, les Chinois font des avions qui ressemblent aux Airbus et des centrales nucléaires. Ils nous concurrencent et nous dépassent.
Ce constat piteux et alarmiste est partagé à Washington, à Bruxelles, à Paris et à Berlin. Mais les réactions ne sont pas les mêmes. Trump a décidé d’affronter son rival, de remonter les droits de douane, de mettre au pilori les voleurs de technologie. Ce n’est pas la panacée, les « chaînes de valeur » des multinationales sont désorganisées, mais au moins les Chinois sont dérangés dans leur tranquille travail de pillage organisé. Ils achètent moins de voitures allemandes. Les Européens affolés en rajoutent dans l’ouverture. C’est toujours l’histoire de Mars et Vénus. Les Chinois leur jouent l’air qu’ils veulent entendre : libre-échange pour le monde ; protectionnisme chez eux. Les Européens continuent d’être les idiots du village mondial. Macron veut changer cela. Le peut-il ? ■