Écouter : Chœur « Les voici !… » (Acte III)
Le 3 mars 1875, Georges Bizet présente pour la première fois sa nouvelle œuvre à l’Opéra-Comique de Paris : il s’agit d’un opéra comique en quatre actes, sur un livret d’Henri Meilhac et Ludovic Halévy.
Adapté de la nouvelle de Prosper Mérimée, Carmen est considérée comme le chef d’œuvre du compositeur.
On parle d’opéra allemand a propos de La flûte enchantée de Mozart : avec Carmen, on a l’opéra français par excellence : c’est l’opéra le plus joué au monde, comme la Symphonie du Nouveau monde est la symphonie la plus jouée….
Bizet est fait Chevalier de la Légion d’honneur ce même jour. ■
1ère publication le 3 mars 2022
Clin d’œuil et plaisir d’ouie: écoutez cet hommage du russe Rodion Chtchedrin à notre Bizet.
Une « Suite de Carmen » sur les thèmes de l’opéra original, magnifiquement rendue par l’Orchestre National de France.
https://www.youtube.com/watch?v=QysD8zCfGTs
Je corrige le « u » que je me suis mis dan l’œil et en profite pour signaler aux amateurs le superbe solo de la danseuse DianaVishneva sur le début (Hananera) de la « suite de Carmen » de Chtchedrin d’après Bizet
https://www.youtube.com/watch?v=IDMcWSYali8
Heureux de lire Marc Vergier signalant le grand compositeur contemporain russe Rodion Chtchedrin (ou Shchedrin), lequel n’est pas si loin de Bizet dans sa manière : d’une part, une très très grande qualité d’écriture (sur le plan technique) et, de l’autre, une familiarité très étroite avec la musique populaire de son pays. Je recommande tout particulièrement ce que je tiens pour être son chef-d’œuvre, l’opéra «Les Âmes mortes», d’après Gogol, dans lequel il marie merveilleusement ces deux aspects de l’art, indispensables à la grandeur musicale. Pour Bizet, en raison de la qualité mélodique immédiatement accessible de «Carmen», on oublie que cet opéra est quasi religieusement tenu par les spécialistes bien documentés comme étant un exemple parfait d’écriture, voire unique dans l’histoire de la musique savante. Et, tout polarisés que l’on est sur «Carmen», on ne connaît pas même le quart de sa remarquable musique de scène pour «L’Arlésienne», dont l’ensemble n’est pour ainsi dire jamais donné en concert et qui n’a connu que deux enregistrements complets (Michel Plasson et Robert Haydon Clark), à peine, son retentissant «Te Deum», si peu, ses merveilleuses qualités de mélodiste, dont «Les Pêcheurs de perles» donnent certains des plus délicats exemples (ainsi, de l’air quasi divin «Je crois entendre encore»), ou le solo de hautbois de la «Symphonie en ut»…
Malheureusement, à force d’adaptation cinématographiques rarement bien inspirées, à force de commentaires bien pensants autour, de chanteuses à la mode des vulgarités du moment (bas résilles, cuisses à l’air, lèvres surcharnées et autres «érotismes» vulgaires) et des plagiats de «spots» publicitaires, la culture pharmaceutique et jacklangée a environné «Carmen» d’un climat de quasi «tube», c’est-à-dire de «scie» assez peu musicale.
Georges Bizet est mort à l’âge fatal des plus singuliers grands génies de la «musique classique» : autour des 31-37 ans qui furent également fatals à Purcell, Mozart, Schubert…
« J’ai entendu hier — le croiriez-vous — pour la vingtième fois le chef-d’œuvre de Bizet. De nouveau j’ai persévéré jusqu’au bout dans un doux recueillement, de nouveau je ne me suis point enfui. Cette victoire sur mon impatience me surprend. Comme une œuvre pareille vous rend parfait ! À l’entendre on devient soi-même un « chef-d’œuvre ». — Et, en vérité, chaque fois que j’ai entendu Carmen, il m’a semblé que j’étais plus philosophe, un meilleur philosophe qu’en temps ordinaires : je devenais si indulgent, si heureux, si indou, si rassis… Être assis pendant cinq heures : première étape vers la sainteté ! — Puis-je dire que l’orchestration de Bizet est presque la seule que je supporte encore ? […] Cette musique de Bizet me semble parfaite. Elle approche avec une allure légère, souple, polie. Elle est aimable, elle ne met point en sueur. « Tout ce qui est bon est léger, tout ce qui est divin court sur des pieds délicats » : première thèse de mon Esthétique. Cette musique est méchante, raffinée, fataliste : elle demeure quand même populaire, — son raffinement est celui d’une race et non pas d’un individu. Elle est riche. Elle est précise. Elle construit, organise, s’achève : par là elle forme un contraste avec le polype dans la musique, avec la « mélodie infinie ». A-t-on jamais entendu sur la scène des accents plus douloureux, plus tragiques ? Et comment sont-ils obtenus ! Sans grimace ! Sans faux-monnayage ! Sans le mensonge du grand style ! — Enfin : cette musique suppose l’auditeur intelligent, même s’il est musicien, — et en cela aussi elle est l’antithèse de Wagner qui, quel qu’il soit quant au reste, était en tous les cas le génie le plus malappris du monde ».
Friedrich Nietzsche, « Le cas Wagner ».
Curieuse : cela donne l’impression d’être trop rapide, on n’ose dire que ce bel opéra est ainsi massacré .