
« Il existe en France une partie de l’arc politique qui est travaillée par le régime algérien et dont LFI est la pointe la plus avancée, la plus visible et à défaut d’être démocratique la moins hypocrite au moins sur l’expression de son soutien à la dictature militaro-politique qui sévit à Alger. »
Entretien par Ronan Planchon.

Cet entretien est paru dans Le Figaro d’hier, 8 mai. Arnaud Benedetti y fait montre comme à l’accoutumée d’un fort et net attachement à la souveraineté nationale. Là où nous nous inscrivons en faux c’est sur sa confiance dans ce qu’il nomme nos « principes« , nos « valeurs », notre « contrat social » dont nous craignons fort, étant ce qu’ils sont aujourd’hui, qu’ils ne soient précisément la cause de nos faiblesses contre lesquelles il s’élève avec force et courage mais, pour l’instant, et, sans doute, pour longtemps encore, en vain. La France historique n’est pas constituée, selon nous, de ces principes et valeurs qui, a contrario, ne cessent de l’affaiblir. JSF

ENTRETIEN – L’Assemblée a voté, ce 6 mai, pour la libération immédiate de Boualem Sansal, emprisonné en Algérie. Une partie des députés insoumis s’y sont opposés. Pour Arnaud Benedetti, fondateur du comité de soutien de l’écrivain, ces élus font le jeu du pouvoir algérien, qui surfe sur les divisions de notre classe politique et en instrumentalise une partie.
LE FIGARO. – Ce mardi, 28 députés LFI ont voté contre la résolution appelant à la libération immédiate et inconditionnelle de Boualem Sansal. Comment expliquez-vous cette position ? Vous surprend-elle ?
Arnaud BENEDETTI. – Ce n’est pas une surprise, juste la confirmation qu’il existe en France une partie de l’arc politique qui est travaillée par le régime algérien et dont LFI est la pointe la plus avancée, la plus visible et à défaut d’être démocratique la moins hypocrite au moins sur l’expression de son soutien à la dictature militaro-politique qui sévit à Alger. C’est le droit des parlementaires de LFI de voter contre une proposition de résolution, mais c’est notre droit d’y voir que de la sorte ils s’affichent comme les agents d’influence d’un pouvoir qui embastille des intellectuels et qui poursuit ses opposants. Ils y trouvent là sans doute une matière propre à exalter leur nostalgie du soviétisme dont l’oligarchie algéroise est l’héritière. Ce vote est évidemment scélérat moralement, tristement conforme à l’idéologie LFiste et guidé par des motivations électoralistes puisque, aux yeux des caciques insoumis, les Franco-Algériens sont une proie que l’on assigne exclusivement à leurs origines.
Au-delà de cet aspect clientéliste et communautaire dont LFI use et abuse, il faut avoir en tête que c’est hélas une grande partie de la gauche, à quelques exceptions prés, qui est exposée aux ingérences de l’Etat algérien ; lequel s’appuie ainsi sur ses «supplétifs» français pour déployer ses stratégies d’influence et de défense d’une nomenklatura soucieuse avant tout, malgré ses nombreux échecs, de maintenir sa domination sur un peuple algérien. Celui-ci est malheureusement soumis à une propagande anti-française continue visant à masquer les échecs innombrables du régime… La gauche française n’a jamais fait son deuil de la guerre d’Algérie, oubliant que celle-ci est terminée depuis 1962 dans les conditions que l’on sait.
Éric Coquerel a déclaré que cette proposition de résolution était un moyen d’instrumentaliser Boualem Sansal et de «régler» nos «comptes avec l’Algérie». N‘est-ce pas l’Algérie qui règle ses comptes avec la France e emprisonnant l’écrivain ?
L’extrême gauche reproduit l’inversion accusatoire. Les Français depuis 1962 n’ont eu de cesse de vouloir tourner la page, à commencer par le général de Gaulle qui n’a pas vraiment défendu les Européens d’Algérie et les harkis au moment de l’indépendance. La prudence, la réserve, voire la gêne ont toujours été de mise durant toutes ces décennies. Dans le même temps le pouvoir né du FLN forgeait un récit national, essentiellement basé sur le ressentiment et la dénonciation de la présence française. Cette note continue a pu varier avec le temps, les aléas des évolutions politiques en Algérie la colorant de nuances différentes en fonction des circonstances, mais elle est demeurée le socle central qui réunit les clans qui se partagent le pouvoir de l’autre côté de la Méditerranée. Le compromis entre les islamistes et les héritiers du FLN après la monstrueuse guerre civile des années 1990 aura même accentué ce narratif. S’il y a ingérence dans la politique de l’un des deux pays, c’est bien du côté algérien que l’on instrumentalise la vie politique française que les hiérarques qui dirigent l’Algérie connaissent très bien.
« La manipulation des dirigeants français par les dirigeants algériens est confondante et elle ne travaille pas les seuls bancs de l’extrême gauche. » Arnaud Benedetti
La faiblesse du vote à gauche de la proposition de résolution demandant la libération immédiate de Boualem Sansal en témoigne. Le pouvoir algérien n’a d’autre objectif dans sa relation avec la France que de demander toujours plus de repentance, la fameuse «rente mémorielle» dénoncée par Emmanuel Macron à laquelle il a pourtant fortement contribué. Et, fort de cet outil de culpabilisation, les dirigeants qui gouvernent à Alger se payent en visas et autres rétributions pour donner un petit horizon d’espoirs à un peuple asphyxié économiquement et politiquement par la corruption et la dictature. Repentance et visas sont les deux ressorts de la politique de relation avec la France, côté algérien : la manipulation des dirigeants français par les dirigeants algériens est confondante et elle ne travaille pas les seuls bancs de l’extrême gauche. Elle va jusqu’au centre et parfois jusqu’à la droite de notre vie politique. La délégation d’élus qui se rend en Algérie ce 8 mai dans le cadre d’un déplacement organisé par le pouvoir algérien comporte majoritairement des élus de gauche mais également des centristes. Cela en dit long sur la grande indulgence dont bénéficient les hiérarques algériens au sein d’une partie de notre classe politique qui entend porter pour des raisons à la fois électoralistes et mémoriellement biaisées souvent une histoire qu’elle ne connaît que partiellement et souvent de manière caricaturale… Ce même 8 mai, le maire de Marseille, silencieux sur le sort de notre compatriote Boualem Sansal depuis son arrestation, dévoilera une plaque avec le consul d’Algérie pour commémorer les événements du 8 Mai 1945 à Setif…
Ce texte vous semblait-il mesuré ?
C’est un texte de modération et d’humanité. Il pose les bases d’une exigence a minima en appelant à une libération immédiate d’un homme malade, âgé, incarcéré pour ses écrits et sa liberté d’expression. Il rappelle par ailleurs que l’accord UE/Algérie est conditionné par le respect des principes et des valeurs constitutives des institutions européennes. C’est bien le moins que l’on puisse exiger d’un pays qui prétend s’inscrire dans une épure démocratique. Ce qui n’est manifestement pas le cas, encore moins l’intention de ses gouvernants. Des députés de gauche ont voté contre (LFI), se sont abstenus (les communistes ) ou ont annoncé qu’ils voteraient pour (le PS et les Verts) mais pour ceux-ci la plupart, le relevé du vote l’atteste, ils n’ont pas pris part individuellement au vote… Sans le bloc central, les Républicains, le RN et les ciottistes, le texte n’aurait pas été adopté car la gauche s’y est soit opposée, soit elle a préféré ne pas prendre part au scrutin… Une faillite morale quand même quand on pense qu’un homme seul, de 80 ans et souffrant d’un cancer, risque sa vie dans les geôles d’un régime qui réprime toute pensée critique et qui vient le même jour d’émettre deux mandats d’arrêts internationaux à l’encontre de l’autre grand écrivain franco-algérien Kamel Daoud. Les parlementaires qui ont refusé de soutenir le texte auront légitimé qu’un pouvoir puisse, où que ce soit, vous incarcérer parce que votre expression déplaît à ce dernier.
Les divisions de nos députés sur la libération de Sansal servent-elles en définitive le régime d’Alger ?
C’est ce que cherche le pouvoir à Alger : jouer sur nos divisions et il voit que ces dernières sont telles que sur quelque chose d’essentiel, qui touche à la vertèbre de nos valeurs et de notre contrat social, il peut compter sur des forces qui servent ses intérêts contre nos propres principes. Le cheval est dans Troie… Retenons néanmoins qu’une majorité de députés s’est prononcée en faveur de la résolution. Il s’agit d’un succès, insuffisant, mais nécessaire qui devrait inciter les autorités françaises à sortir de la culture de l’indulgence, voire de la complaisance vis-à-vis d’Alger pour regarder en face cette réalité que nombre d’Algériens, opposants politiques et intellectuels, ne cessent de rappeler lorsque l’on s’entretient avec eux : pour bien négocier avec les dignitaires algérois, il faut faire preuve de fermeté, montrer qu’on ne les craint pas et que l’on peut se passer d’eux. Alors que l’Algérie est diplomatiquement isolée, la France a des atouts sans doute pour faire valoir ses positions. ■
L’extrême-gauche a toujours été composée de partis au service de l’étranger. Le PCF était un agent de l’Union Soviétique. N’oublions pas les paroles du déserteur Maurice Thorez à la libération: « Si l’armée rouge arrive en France, il faudra l’accueillir en amie ». Les polonais, bulgares, roumains, tchécoslovaques ont pu après 45 faire l’expérience de cette amitié. Quant à LFI elle est au service en effet de l’Algérie mais surtout de la mouvance islamiste qui ne cesse de prospérer et de s’étendre dans notre pays. Cette secte d’extrême-gauche est traître à son pays et à la nation.
Arnaud Benedetti écrit « …..le général de Gaulle qui n’a pas vraiment défendu les Européens d’Algérie et les harkis au moment de l’indépendance… ». Peut-être de Gaulle se sentait-il coupable – et il l’était – du sort qui fut le leur. Et c’est pourquoi les « gaullistes » ont été- plus que François Mitterrand, ou Hernu, ou Vedrine – soumis au chantage du FLN. Et la lutte contre le FLN s’est poursuivie en Algérie par le FFS de Hocine Aït Ahmed.