
Par Yves-Marie Adeline.
Pour comprendre cette énormité judiciaire, il convient de resituer toute cette affaire dans le contexte général du trafic de la drogue en France.

ouvenons-nous d’abord que l’affaire Nahel Merzouk a eu lieu en 2023, après deux mauvaises années pour le trafic. Au grand dam de nos élites politiques, très consommatrices de stupéfiants, durant l’année 2021, environ 5.850 points de vente avaient été démantelés. En 2022, ce sont plus de 15.000 points de ventes qui l’ont été : ainsi, la lutte contre le trafic avait pris bonne tournure, dans un contexte d’aggravation du phénomène de la consommation. Car si plus de la moitié de cette consommation concerne le cannabis, on assiste à une forte hausse de celle de la cocaïne, environ 38%, sachant que la cocaïne rapporte beaucoup plus d’argent à chaque tête de réseau : 1,2 millions d’euros par mois, contre 32.000 seulement – si l’on peut dire – pour une tête de réseau du cannabis.
La meilleure façon de protéger cette économie souterraine, dégageant un bénéfice net de l’ordre de 2,7 milliards d’euros, soit environ 0,1% du PIB, est de l’abriter autant que possible dans des zones en état de quasi-sécession, dites de non-droit, où la police pénètre difficilement pour des raisons touchant à l’impossibilité d’encadrer une population vivant à part sur le territoire. De fait, s’il est vrai de dire que l’émeute nuit aux affaires de ces délinquants seniors, il est tout aussi vrai, d’un point de vue marketing, qu’elle permet d’entretenir, voire de retrouver, pour l’année 2023, une sorte de sanctuarisation des lieux de dépôt des marchandises – en l’occurrence ici la drogue, mais on pourrait ajouter le trafic d’armes.
17 ans et interpelé au volant d’un modèle de véhicule utilisé pour les go-fast
Sous ce point de vue, on comprend mieux comment un délinquant mineur, déjà plusieurs fois appréhendé pour des faits similaires, lui-même fils d’un trafiquant ayant été condamné à une peine de 4 ans de prison, s’est retrouvé à 17 ans au volant d’une somptueuse Mercedes coupé d’une valeur de 90.000 euros, immatriculée en Pologne : un outil idéal pour le go-fast, consistant à réceptionner de la marchandise à la frontière, et à la convoyer à toute vitesse sur les autoroutes traversant le pays de part en part, du Benelux à l’Espagne, et de l’Espagne au Benelux, voire au Royaume-Uni, l’un des pays européens les plus touchés par la drogue, où l’on compte presque 10% de sujets consommateurs d’amphétamines, contre une moyenne européenne de 4%. Grâce à sa location dans un pays européen éloigné, comme l’était la Mercedes avec sa plaque polonaise, le véhicule en go-fast, bien que flashé à de multiples reprises sur l’autoroute, ne permet pas à la police française de remonter au loueur et aux délinquants supérieurs. S’agissant de l’affaire du jeune délinquant poursuivi puis abattu par la police, on peut très bien imaginer qu’il avait été chargé de porter cette magnifique voiture de prestige à un go-faster – à moins qu’il eût été lui-même chargé de cette tâche, mais, son âge l’empêchant de pouvoir présenter à la police un permis de conduire, il est peu probable que les trafiquants aient envisagé de compliquer leur affaire. La Mercedes appréhendée était vide : alors, venait-elle de servir à un go-faster, ou bien le jeune délinquant devait-il la porter à une mule pour qu’elle soit remplie, puis conduite à toute allure de l’une à l’autre de nos frontières ? Nous ignorons si, à l’occasion du procès, le régime s’autorisera à faire connaître ce qu’il sait, mais quoi qu’il en soit, cette affaire met en lumière, une fois encore, un problème de santé publique qui, s’il n’est pas aussi tragique qu’aux Etats-Unis (100.000 décès par surdose contre environ 1.600 en France, pour une population cinq fois supérieure), n’en est pas moins très préoccupante. ■ YVES-MARIE ADELINE
Article précédemment paru dans Politique magazine.


« Démanteler des points de vente de drogue » ; qu’est-ce que ça veut dire ? Les chasser d’ici pour qu’ils s’en aillent là ?
Puérilité de la lutte contre les trafics. Est-ce que l’on croit que la prohibition, aux États-Unis de l’Entre-deux-guerres a servi a quoi que ce soit, sinon à constituer des formidables fortunes pour les trafiquants et à faire croire aux « Incorruptibles » qu’ils servaient à quelque chose…
Cela étant, le petit voyou n’a fait que récolter ce qu’il avait semé ; mais si vous donnez le choix à une petite racaille d’entreprendre un CAP de plombier-zingueur ou de conduire des voitures de luxe, de commander des magnums de champagne dans les boîtes à la mode et de sauter des filles canon, qu’est-ce qu’il va choisir, à votre avis ?
Alors que faire ? Légaliser le trafic de drogue ? Nos voisins néerlandais l’ont fait et aujourd’hui, les réseaux mafieux sont si riches qu’ils peuvent menacer d’enlever la princesse d’Orange et d’assassiner le premier ministre si on ne les laisse pas tranquilles.
Précisément : les laisser tranquilles.
Personne ne peut empêcher ce poison ; les États-Unis ont essayé de payer les producteurs de coca pour qu’ils cultivent autre chose ; les paysans ont pris l’argent et sont allés planter ailleurs…
Si quelqu’un a une solution, qu’il la dise : il aura gagné le pompon.
Je crains, cher Pierre, que vous ne contourniez le problème : si les réseaux criminels sont si puissants aux Pays-Bas, c’est entre autres parce qu’on a légalisé la drogue. Eussent-ils fait cette annonce trente ans plus tôt, tout le monde s’en serait moqué, parce qu’ils ne représentaient rien ; aujourd’hui, ils sont tout-puissants et peuvent émettre ce genre de déclaration en sachant qu’ils seront pris au sérieux (la preuve : les cartels mexicains commencent à entrer en relation avec eux).
Si l’interdiction pure et simple ne fonctionne pas, il faut également admettre que la légalisation n’est pas plus efficace pour limiter l’influence de ce fléau.
Faut-il se résigner ? C’est votre avis, semble-t-il, et il m’étonne de la part du grand pourfendeur des « féodalités » que vous prétendez être.
On peut aussi penser que la méthode philippine a du bon.
Certes, certes. Mais que peut-on proposer ? Pour moi – et avec un déchirement du coeur et de l’esprit -il faut que l’État prenne en charge la vente – immorale, scandaleuse, immonde – de ces substances, afin de passer la rémunération des salopards qui la font vivre sur nos comptes.
Q ui propose autre chose ?
Je vous l’ai dit : la méthode philippine. En Italie, Murat et Mussolini ont réussi, chacun à son époque, à réduire la mafia à néant. C’est une question de volonté.
Bonjour, l’Histoire nous apprend que dans un autre domaine en politique « qui veut , peut » .. La Mafia que la Démocratie Chrétienne et tous les pouvoirs suivants n’ont jamais réussi à éliminer a quasiment disparue de l’Italie de Mussolini en deux ans car son pouvoir risquait de lui faire de l’ombre … le problème ici comme ailleurs avec la drogue c’est bien qu’une partie non négligeable de ceux ( les plus haut placés) à qui la république ou l’Etat a donné le pouvoir politique de combattre la drogue en sont pour le moins des consommateurs voire des bénéficiaires financiers … C’est d’abord un problème de régime politique structurellement piloté par l’argent qui a généré une société qui lui ressemble… mais ce qui est sûr c’est que la légalisation pour régler le problème n’a aucun sens ) casser le thermomètre pour faire disparaître la fièvre) : peut-on autoriser la traversée d’une agglomération à grande vitesse sous le prétexte que lors autorités ne parviennent pas à faire respecter la limitation à 50hm/h à tous ? … D’ailleurs mon exemple devient obsolète car dans ce domaine pour récupérer de l’argent plus que pour la sécurité des gens on voit que les moyens sont réellement mis en œuvre pour approcher le 100%. En outre cela coïncide avec la volonté de supprimer l’usage de l’automobile au plus grand nombre . Finalement il faut réfléchir à créer une situation qui fasse que celui ou ceux qui décident aient vraiment intérêt à ce que la vente et l’usage de la drogue à cette échelle disparaisse … Qui veut , peut !
Bien cordialement
Si le trafic de cannabis venait à se transformer en commerce , commerce sur lequel l’État prendrait des taxes, se discreditant par la même occasion, dans un tel cas donc, les traficants se rabattraient vers la cocaïne ou autre .
Reste la » sélection naturelle » : il y aura ceux qui ne se laisseront tenter par cette consommation, ceux qui ensortiront les « accros » qui n’auront pas longue vie . Comme les siphilitiques de jadis .
@Richard : pourquoi limiter la légalisation au cannabis ? Héroïne, cocaïne, crack et tuttis quanti… Je ne vois aucune différence…. En matière d’alcool, on peu acheter de la bière et du 90°… Tout est affaire de quantité.
Ce regard vertueux sur les pulsions des hommes me gêne. Laissons les gens s’abîmer et faisons en sorte d’en protéger nos enfants.
@ Rémy : Que souhaitez-vous ? Qu’on se débarrasse « manu militari » des trafiquants ? Je ‘ai rien contre. Imaginez-vous François Bayrou, ou Bruno Retailleau, ou Marine Le Pen donnâtes l’ordre de tirer ? La politique, c’est le regard sur la réalité des choses, le « Ici et maintenant » ; non pas sur la société que nous aimerions…
P. Builly me semble le plus réaliste. Déjà reconnaissons que les drogues sont, en fait, implicitement légalisée. Le hashish est déjà reconnu comme un péché véniel d’adolescents dont la très grande majorité se lassent très vite. Le parallèle avec l’alcool me semble justifié. Considérons, plus sérieusement, le culte complaisant voué aux chanteurs de rock et à certains écrivains et artistes allumés aux drogues dures. Il y a aussi la cocaïne (et autres drogues mondaines) : son usage est largement et ouvertement admis au sommet de la société, notamment parmi ceux qui, en pure théorie, devraient la combattre , auraient les moyens de le faire mais, évidemment ne le feront pas. Certain proposent des contrôles anti-dopage parmi eux, comme pour les vedettes du sport. C’est d’une grande naïveté. En extrême-orient, m’a-t-on rapporté, l’opium est admis pour les vieux, déchargés qu’ils sont des responsabilités, de la procréation et de l’éducation mais socialement et légalement réprouvé pour les autres. Un exemple de sagesse.
Pourquoi (en allant vite) ne pas concentrer la réflexion sur :
1) les déchéances individuelles et les comportement suicidaires. Soigner ou pas ? Il me semble – très cyniquement – que les textes en discussion sur « le droit à mourir » sont susceptibles de renouveler les points de vue à leurs propos.
2) sur les vrais pourrisseurs de la jeunesse, les diables tentateurs qui s’attaquent aux plus vulnérables et les réduisent en esclavage. Pas de pitié pour ceux-la. Comme pour les terroristes. Légitime défense renforcée du haut en bas de la société, encouragée et étendue, par exemple aux parents, dans la protection de leurs enfants.