
« Les sociaux-démocrates ont accompagné le mouvement de dérégulation des États-nations de l’Union européenne »
Propos recueillis par Victor Lefebvre.

Cet entretien est paru dans le JDD le 15 juin. Il porte sur l’effondrement du PS, qui vient d’achever son 81ᵉ congrès à Nancy, lequel, pour dire les choses simplement, n’a intéressé à peu près personne. L’intérêt de cet entretien est ailleurs : il réside dans le fait que Stéphane Rozès, sondeur et politologue accompli, rejoint la cohorte des analystes qui constatent à la fois l’effondrement de la social-démocratie partout en Europe et le retour des nations. Ce grand retour peut comporter des risques, voire de grands risques — on le sait bien. Il éloigne pourtant le risque majeur, qui serait le succès des mondialistes et le nivellement post-national, plus destructeur que tout ! JSF
EFFONDREMENT. Le 81e congrès du PS se tient du 13 au 15 juin à Nancy. Pour le politologue Stéphane Rozès, la question de la survie du parti est posée.

Le JDD. Le Parti socialiste compte quatre fois moins d’adhérents qu’au moment de l’élection de François Hollande, en 2012. Sa candidate pour la dernière élection, Anne Hidalgo, a récolté le score historiquement bas de 1,7 %. Comment expliquer un tel déclin ?
Stéphane Rozès. Cela résulte du télescopage entre des raisons structurelles qui travaillent la société en profondeur d’une part, et des raisons conjoncturelles d’autre part. La chute du mur de Berlin a libéré les forces du marché. à partir du milieu des années 1990, les Français ont vu en la nation et la République des abris face à la déferlante de la globalisation néolibérale et postnationale. C’est le moment où, à contretemps, la direction du Parti socialiste acte la rupture avec les catégories populaires pour s’orienter vers un projet anglo-saxon, a-républicain, visant à fédérer les « minorités », tel que préconisé en 2011 par la note de Terra Nova, un think tank d’influence néolibérale de gauche et « progressiste ».
Cette orientation fédérera bourgeoisie transnationale, technocrates et petite bourgeoisie intellectuelle wokiste, mais éloignera le PS de l’imaginaire français et de ses bases électorales. Dans le même temps, le nouveau cours des choses empêchant de se projeter dans la construction politique d’un avenir commun, la dispute sociale s’estompera au profit de tropismes bonapartistes verticaux à forte incarnation, relativisant le conflit gauche/droite. A contrario, le président Hollande, écoutant ceux qui voulaient unifier les appareils de gauche, laisse entendre qu’il participerait à une primaire. Privé de son capital symbolique présidentiel, il doit renoncer à se représenter et entraîne le PS dans sa chute.
Olivier Faure a exclu une alliance avec Jean-Luc Mélenchon en vue de la présidentielle. Le PS a-t-il un espace face à l’hégémonie de La France insoumise à gauche ?
LFI a prospéré sur la ruine idéologique et politique du PS, mais n’a pu s’y substituer. Seul un quart des Français vote à gauche, et LFI est considérée comme la formation la plus dangereuse pour la démocratie. Par impatience et inculture, Jean-Luc Mélenchon a rompu avec la République, après la présidentielle de 2017, pour une stratégie de la tension fondée sur un « populisme de gauche », fédérant les minorités antisystèmes, islamistes compris, à partir d’une analyse de la période jugée pré-révolutionnaire, alors que les Français aspirent au retour de l’autorité politique et des normes dans tous les domaines.
« La social-démocratie se porte mal dans le reste de l’Europe »
Le charisme de Mélenchon galvanise la gauche en la radicalisant – en témoigne la thématique Gaza –, mais la marginalise dans le même temps. Sans retour vers ses fondamentaux historiques – la nation, sa souveraineté et la République –, le Parti socialiste actuel disparaîtra. La nature des débats et les votes militants laissent augurer qu’il n’en a pour l’heure ni les moyens intellectuels ni la force. Le PS n’a pas pris la mesure du retour de la nation et de la République.
Comment se porte la social-démocratie dans le reste de l’Europe ?
Mal. Chaque pays a sa culture politique et ses enjeux, mais globalement, la fin de l’ennemi communiste a rendu caduc le compromis sociopolitique européen : la prospérité pour le plus grand nombre contre la paix sociale, dont la social-démocratie était le garant. Les sociaux-démocrates ont accompagné le mouvement de dérégulation des États-nations de l’Union européenne au nom d’un internationalisme dévoyé, au moment où la question nationale – dont l’immigration est le condensé des dimensions culturelle, politique et sociale – revient avec force en Europe. ■

Chaos, Essai sur les imaginaires des peuples, Stéphane Rozès, Cerf, 224 pages, 20 euros. © Cerf
La psittacique répétition de «la fin de l’ennemi communiste» pour expliquer l’état géopolitique actuel n’empêche nullement que cette idée est tout à fait fausse et, surtout, parfaitement assommante, comme n’importe quel vulgaire lieu commun.
La réalité est toute contraire à cette rhétorique de bazar : le communisme, en tant que système de pensée, comme processus analytique, n’a jamais été plus exagérément opérationnel, jusqu’à Éric Zemmour qui s’en est goulument imprégné à Science-Po et le régurgite encore aujourd’hui, fut-ce selon un «effet rebond». Du reste, peut-être cela signe-t-il l’état agonisant – ou, plutôt, «agonique» : sans angle – ; seulement, comme en tout monstre à l’étouffée, il s’y produit des bouillons de violence anarchiques, dont la bestiale brutalité est formidablement dangereuse.
Dans les colonnes rapportées ici, monsieur Stéphane Rozès reste bien calé dans son idéologie d’origine ; il y retrouve les schémas éprouvés de la matière dialectique de son éducation. Il y tient à ces shama, il s’y agrippe : ils ont assuré la réussite confirmée de son avenir social;, celui-ci prît-il un goût passablement passé. Désormais, intellectuellement «retraité», il peut aller taquiner le goujon et, l’œil sur le bouchon, il rêvasse en y allant de sa bonne conscience de «gauche de gouvernement», assortie aux poncifs de tous les reniements apparents par lesquels il a «évolué», passé, repassé et s’est rangé dans l’armoire à jamais : il dit rigoureusement la même chose que toujours, mais comme ce dont il parle exclusivement est en perpétuel changement et revirement, le voilà perpétuellement girouettant mais, toujours, dans le même mouvement de pirouette systémique et d’analyse répétitive, c’est-à-dire qu’il ressasse inlassablement ce que sa formation estudiantine, lui a ancré dans le coquillart et, comme par un fait exprès, il dit textuellement, à la virgule près, ce que toute sa catégorie de personnel est employée pour professer à l’envi.
Or, nul d’entre cette gent n’est manifestement capable de s’apercevoir qu’elle déblatère les mêmes démonstrations que sn voisin de bureau, mais sur le ton de celui qui ne doute jamais de croire être en train d’inventer d’inventer une nouvelle et salutaire eau chaude, celle-ci devant, à terme, ne faire courir aucun risque de trouée dans la couche d’ozone – on ne sait évidemment pas de quoi l’on parle exactement, mais on est payé pour le dire, alors…