
Par Céline Imart et Thibault de Montbrial.

Cette tribune, parue dans Le Figaro de ce matin (3 juillet), n’est pas seulement une défense de nos paysans : elle l’est aussi de la souveraineté de la France. Relevons un point de désaccord sur une phrase — sans doute une clause de style — de ce texte. La voici : « Ne prenons pas le risque de créer une fracture supplémentaire entre le peuple français et ses dirigeants. » Ah ? Primo, cette fracture nous paraît irrémédiablement ouverte et appelée à s’aggraver. Secundo, elle est souhaitable, indispensable même, si la France veut s’affranchir non seulement des hommes, mais aussi des erreurs de fond qui la minent. Il y a des ruptures salvatrices, dont celle-ci !
JSF
TRIBUNE – L’eurodéputée LR Céline Imart et l’avocat Thibault de Montbrial dénoncent cet accord qui risque, selon eux, de créer une fracture supplémentaire entre le peuple français et ses dirigeants, après celle du référendum de 2005.
Céline Imart est agricultrice, députée européenne LR et vice-présidente du parti Les Républicains. Thibault de Montbrial, avocat, est président du CRSI (think-tank).

Vous souvenez-vous de 1999 ? L’Union européenne comptait quinze États. On payait en francs. Le Bluetooth venait tout juste d’apparaître. Et déjà, l’UE lançait les négociations pour un accord de libre-échange avec les pays du Mercosur. Vingt-six ans plus tard, après d’innombrables atermoiements, la Commission européenne s’obstine. Elle veut imposer cet accord coûte que coûte. Pourquoi ? Pour sauver la face. Peu importe si, en chemin, on sacrifie nos paysans et notre souveraineté alimentaire.
Face à ce passage en force, la France doit dire non – et entraîner l’Europe avec elle. Car derrière la mécanique technocratique se joue une question vitale : voulons-nous encore être maîtres de ce que nous mangeons ?
« La ferme France est la première de l’Union européenne, c’est une fierté ». Cette phrase, prononcée il y a un an par le président Emmanuel Macron, relève sans doute de cette « pensée complexe » qu’affectionnent ses conseillers. Rien n’est plus erroné. La France perd peu à peu son
statut de puissance agricole : pour la première fois depuis 1976, elle n’a plus affiché d’excédent commercial agricole en 2024 et, jadis deuxième puissance agroalimentaire mondiale, elle est tombée à la sixième place. Sa part dans les exportations mondiales a fondu comme neige au soleil, passant de 8 % en 2000 à seulement 4,4 % en 2023.
Chaque année, notre souveraineté alimentaire s’effrite. Un accord comme le Mercosur ne ferait qu’aggraver ce déclassement et démontrer notre impuissance.
Une illusion de plus
Le quota de 99.000 tonnes de viande bovine prévu dans l’accord est présenté comme anecdotique. Il ne l’est pas. Derrière ce chiffre, il y a nos éleveurs, déjà étranglés par une volatilité des prix qu’aucun traité ne compense. Ces importations viseront les morceaux les plus nobles. Elles ouvriront une brèche dans laquelle s’engouffrera une concurrence sans règle ni contrôle.
Pour un secteur aussi fragilisé, c’est le risque du coup de grâce. Alors que nos agriculteurs se plient à des normes environnementales, sanitaires et sociales de plus en plus strictes et parfois absurdes, comment est produite la viande brésilienne, dont la traçabilité ne commence qu’à l’abattoir alors qu’elle débute, chez nous, à la naissance ? Où est la cohérence, quand on impose à nos paysans ce qu’on tolère chez les autres ?
« Cet accord pourrait contourner les Parlements nationaux, pour mieux passer en force »
Et côté industrie, le soi-disant « grand gain » ? Une illusion de plus. La réduction des droits de douane sur les voitures est insignifiante. L’accès aux marchés publics ? Réservé en priorité aux entreprises des pays du Mercosur. La vérité ? Cet accord est devenu un totem bureaucratique. La Commission veut le faire passer, peu importe le prix humain et économique.
Au-delà du fond, le procédé est inacceptable. Cet accord pourrait contourner les Parlements nationaux, pour mieux passer en force. En janvier, l’Assemblée nationale l’a rejeté à deux reprises. Comment admettre qu’une décision engageant l’avenir de milliers de fermes et de villages, de
dizaines de milliers de familles, puisse être actée sans consultation de la représentation nationale ? L’Europe ne peut décider sans les peuples, et le fossé est tel qu’il n’existerait pas de retour en arrière si une telle trahison démocratique devait se reproduire.
Protégeons nos agriculteurs
Le souvenir du référendum de 2005, a laissé une cicatrice profonde. Ne prenons pas le risque de créer une fracture supplémentaire entre le peuple français et ses dirigeants. Ne refaisons pas l’erreur commise avec l’industrie. La Chine est devenue l’usine de l’Europe. L’Amérique du Sud ne peut pas devenir sa ferme. Transférer la production de notre alimentation à l’autre bout du globe, c’est creuser notre dépendance et alourdir notre empreinte carbone. Les études montrent que le coût environnemental des importations est souvent trois fois supérieur à celui de nos productions locales. Là encore, où est la logique ?
« Les agriculteurs ne sont pas hostiles au commerce. Ce qu’ils refusent, c’est de devenir la variable d’ajustement d’intérêts lointains et court-termistes »
Imaginez que chaque année, près de 400.000 hectares de terres supplémentaires sont mis en culture au Brésil alors que nos campagnes sont fragiles : 100.000 exploitations ont disparu en dix ans, sans que la surface agricole reste relativement stable. La ferme France se vide de ses
hommes et femmes, remplacés par des intérêts extérieurs. Les agriculteurs ne sont pas hostiles au commerce. Ils réclament des échanges justes. Ce qu’ils refusent, comme nous, c’est de devenir la variable d’ajustement d’intérêts lointains et court-termistes.
En tout état de cause, si cet accord devait entrer en vigueur, plusieurs conditions s’imposeraient : l’introduction de clauses de sauvegarde solides, activables automatiquement dès qu’une perturbation du marché serait constatée ; la suppression de la clause de rééquilibrage, qui autoriserait un État du Mercosur à réclamer des compensations en cas de modification législative ou réglementaire dans un État membre ou à l’échelle européenne, susceptible de lui nuire ; et enfin, une opposition résolue à toute tentative de scission de l’accord, afin de garantir que la voix des peuples puisse pleinement s’exprimer.
En 2024, nos paysans ont crié leur détresse. Ne faisons pas semblant de les écouter : protégeons-les. Il y va de nos emplois ; mais aussi, dans un monde de plus en plus instable, de notre souveraineté alimentaire, et donc de notre liberté et de notre sécurité. ■ CÉLINE IMART et THIBAULT DE MONTBRIAL
Cette dame a sa mangeoire au parlement européen, avec également toute la crédibilité du parti LR que l’on a vu à l’œuvre durant toutes ces décennies pour défendre la souveraineté française, la bonne gestion des deniers publics, la sécurité publique, de l’ecole et de la santé, une saine politique familiale et cetera.
De bonnes paroles dans un journal qui est bien financé par l’État et sait donc les limites à ne pas dépasser.
C’est La Pravda où les bien-pensants viennent chercher leurs idées .
« Degote »quand même de bonnes plumes, mais là, est ce le cas ?
À mon avis, il ne faut pas juger texte intuitu personae mais sur son contenu intrinsèque et sur son utilité spécifique en telles ou telles circonstances au regard des intérêts français. Le reste confine à la rancune qui ne sert à rien. Je ne connais pas la cosignataire de La Tribune. En revanche, il me paraît difficile de classer Thibault de Montbrial parmi les modérés ou les lâches. Quant aux Figaro, je crois que il serait bon de mettre nos pendules à l’heure. Le journal est ce qu’il est. Mais parmi ceux qui y écrivent, désormais, il y a de tout y compris des éléments réactionnaires.
L’avocat n’a pas été mentionné (classé) mais plutôt la députée européenne, s’ il m’est accordé de faire cette précision.
« Ne prenons pas le risque de créer une fracture supplémentaire entre le peuple français et ses dirigeants » écrivent Céline Imart et Thierry de Montbrial; et JSF de commenter fort justement : « Il y a des ruptures salvatrices, dont celle-ci ! » … au risque d’êencourir l’accusation de faire la politique du pire.
En attendant mieux il serait aventureux comme le demandent nos deux auteurs de s’en remettre sans condition à des parlementaires dont on connait les versatilités. Là encore en attendant mieux il est peut-être judicieux de s’appuyer sur le « pays réel » (coordination et confédération rurales; chambres d’agriculture, mouvement de consommateurs …) pour créer un rapport de force favorable. D’où l’importance de s’engager dans le syndicalisme agricole.
Ouais. On peut toujours tenter les options dites « Pays Réel ». Les plus intéressés à se défendre et les plus capables de le faire sont les paysans eux-mêmes. D’où leur défiance envers certaines bureaucraties syndicales. Paysannes ou autres puisque grosso modo à peu près toutes les organisations syndicales françaises se sont transformées en bureaucraties grassement subventionnées. Mais en fait, en définitive, les décisions sont prises et appliquées, en dernière analyse, par les institutions politiques.