
Par Audrey Senecal.
Une bonne nouvelle pour le Kremlin, qui n’a pas tardé à réagir. « Moins il y a d’armes fournies à l’Ukraine, plus la fin de “l’opération militaire spéciale” est proche », a affirmé Dmitri Peskov, porte-parole de Vladimir Poutine, en estimant que cette décision américaine était liée à un « manque d’armes dans les entrepôts ».

C’est un article d’information paru hier (3.07) dans le JDD. Informations fort intéressantes qui confirment le désengagement ukrainien des Américains, sans doute en coordination avec Moscou. Les Européens seront-ils tentés de prendre le relais ? De prolonger la guerre durablement en Europe ? En dépit des leçons de l’Histoire qui plaident pour la recherche d’un équilibre européen, possible seulement si la Russie y participe. L’Europe de l’Ouest, Macron en tête, de même que les Britanniques et les Allemands, chacun d’eux pour ses propres raisons, ne semble emprunter, pour l’instant, les voies du réalisme et de la sagesse.
L’Ukraine vient de perdre un soutien majeur : les États-Unis ont suspendu les livraisons de plusieurs systèmes d’armement, dont les missiles Patriot, ce mercredi 2 juillet. Une décision de l’administration Trump qui fragilise la défense antiaérienne de Kiev, alors que les frappes russes s’intensifient.

Vertige. Mercredi 2 juillet, la Maison-Blanche a confirmé la suspension de livraisons d’armement à l’Ukraine, frappée chaque jour par des missiles et drones russes. La mesure, annoncée par la porte-parole adjointe de la présidence, Anna Kelly, marque un net tournant : « Donald Trump a décidé de donner la priorité aux intérêts américains. » Dans le détail, les livraisons gelées concernent les missiles antimissiles Patriot, mais aussi des obus d’artillerie de 155 mm, des roquettes GMLRS, des missiles antichars Hellfire, des missiles sol-air Stinger et des missiles air-air pour les F-16, liste le Monde. Cette décision a été avalisée par le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, avec le soutien d’Elbridge Colby, influent stratège du Pentagone et promoteur du pivot américain vers l’Asie.
Une bonne nouvelle pour le Kremlin, qui n’a pas tardé à réagir. « Moins il y a d’armes fournies à l’Ukraine, plus la fin de “l’opération militaire spéciale” est proche », a affirmé Dmitri Peskov, porte-parole de Vladimir Poutine, en estimant que cette décision américaine était liée à un « manque d’armes dans les entrepôts ». Jusqu’à récemment, les États-Unis étaient le premier soutien militaire de l’Ukraine. Mais depuis avril, les Européens sont passés en tête, avec une aide cumulée de 72 milliards d’euros, contre 65 milliards pour Washington, selon l’Institut de Kiel. En dépit de cet engagement, Kiev fait face à d’importants trous capacitaires.
Des besoins urgents
« Soit les Européens réagissent, soit cela va mal se terminer pour l’Ukraine, donc pour les Européens », s’inquiète Léo Péria-Peigné, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri), auprès du quotidien, tout en saluant le développement de l’industrie de défense ukrainienne depuis 2022. Les Européens sont-ils en mesure de réagir ? Et surtout, de le faire vite ? Cela est moins sûr…
Sur les huit systèmes de défense sol-air opérationnels en Ukraine, deux – des SAMP/T – sont européens, cofabriqués par la France et l’Italie. Mais aucun des deux pays ne semble en mesure d’en fournir d’autres rapidement. En 2022, la production d’un missile Aster 30 prenait près de vingt-deux mois. Malgré l’accélération enclenchée par Thalès et MBDA, ce délai restera de dix-huit mois en 2026. Chaque missile coûte entre 1 et 2 millions d’euros, et les commandes françaises et italiennes, depuis 2022, ne dépassent pas les 900 unités. Un chiffre bien éloigné des besoins ukrainiens.
Des usines… mais pas avant 2026 ou 2027
Plusieurs projets industriels ont été lancés pour relocaliser la production de missiles Patriot sous licence en Europe. Une usine est en construction à Schrobenhausen, dans le sud de l’Allemagne, dans le cadre d’une coentreprise entre Raytheon et MBDA Allemagne. L’objectif ? Produire 1 000 missiles Patriot destinés aux pays ayant vidé leurs stocks pour Kiev (Allemagne, Pays-Bas, Roumanie, Espagne). Mise en service prévue : 2027. Début mai, Rheinmetall et Lockheed Martin ont annoncé un autre site, également en Allemagne, pour la production de missiles PAC-3, ATACMS, Hellfire, GMLRS ou encore JAGM. Ce « centre de compétence » ne sera opérationnel, au mieux, qu’à la mi-2026.
Pire : toute cette production reste soumise à l’aval des États-Unis, comme c’est le cas pour toutes les exportations d’armement, rappellent nos confrères du Monde. En mai, Berlin n’a pu transférer 100 missiles Patriot à l’Ukraine qu’après avoir obtenu un feu vert explicite de Washington. Lors du sommet de l’Otan à La Haye, les Alliés se sont engagés à porter leurs budgets de défense à 5 % du PIB d’ici à 2035. Mais l’ampleur du chantier industriel et les délais de mise en œuvre sont difficilement compatibles avec les urgences du front ukrainien. ■ AUDREY SENECAL