
« Il nous appartient de réinventer le désir d’une magistrature royale : les Français les plus lucides ont déjà celui d’en finir avec le régime actuel et souhaitent un État impartial, indépendant et efficace, c’est-à-dire un État dont l’autorité légitime, incarnant la France elle-même, fonderait un pouvoir effectif et souverain. »
Par François Marcilhac.

« La profondeur du mépris, presque de la haine, du régime des partis, dans le peuple, est méconnue par la classe politique. L’idée d’un pouvoir qui ne se divise pas, ne s’achète pas, paradoxalement ne se prend même pas, d’une préexistence d’un pouvoir, est presque constituée dans la sensibilité française. […] Qu’un homme apparaisse, qui n’a pas eu à choisir le souci du bien commun, dont la tradition plonge aux origines de la volonté nationale de vivre, fils de saint Louis et garant des libertés fondamentales du royaume et de celles de la République, et qu’il propose de maintenir tout ce qui est national et conforme à l’esprit du temps dans le régime créé en 1958, croit-on qu’il n’aura pas plus de chances qu’aucun autre, qu’il ne renouera pas le dialogue entre le souverain et le peuple rompu il y a bientôt deux siècles ? »

Ces propos d’une totale actualité, c’est Pierre Boutang qui les a tenus, dans sa « Politique » de La Nation française du 15 avril 1964. Jamais, en effet, depuis plusieurs décennies, le spectacle qu’offre la République n’aura suscité autant de dégoût de la part des Français. Et si la répulsion désormais quasi instinctive, quais existentielle, que provoque la personnalité de Macron à la tête de l’État y est évidemment pour beaucoup, comment croire que c’est son choix d’un fidèle, ou plutôt de son ombre portée, qui aggrave encore le divorce entre l’élite politique et les Français ? La République, telle qu’elle se présente, c’est-à-dire telle qu’elle est, car il n’y a aucune distance entre son paraître et son être, ne suscite plus, exception faite chez de rares militants politiques, situés surtout à gauche, aucun engouement, aucune fidélité, aucun désir. Elle n’est plus ce mythe politique pour lequel on se battrait, pour lequel il est même arrivé, dans les générations passées, que l’on meure, comme si les Français avaient compris que ce n’est pas tant la République qui est aujourd’hui en danger — Ah, le retour des sombres années 1930 ! — que la France, et par la faute du régime lui-même.
On n’efface pas en quelques jours, voire en quelques semaines, un siècle et demi de propagande quasi continue. Depuis les années 1875, les Français, générations après générations, ont été biberonnés aux valeurs républicaines, au progressisme républicain — la république, ce sont les lumières se répandant sur le monde — et des réflexes conditionnés, désignant l’« ancien régime », sont toujours actifs et le seront encore quelque temps, avant que la république elle-même ne devienne à son tour l’« ancien régime ». Mais les Français ont pris la mesure de l’abîme devant lequel ils sont — dette, immigration, insécurité physique et culturelle, perte d’influence, déliquescence de nos services publics les plus vitaux — et, déjà, de l’incapacité de notre classe politique à pouvoir répondre aux immenses défis auxquels la France est confrontée.
Certains, les plus naïfs, les plus conditionnés, encore, sur l’air de : « Si tous les gars du monde voulaient se donner la main », réclament que les partis s’entendent sur un programme minimal, ne comprenant pas que les problèmes que nous devons résoudre sont des problèmes de fond, qui exigent des mesures fortes, radicales : c’est-à-dire qui touche aux racines de nos politiques. On idéalise les exemples parlementaires étrangers, même l’exemple italien qui a si longtemps servi de repoussoir, voire été l’objet de moqueries, sans voir bien sûr, avec cette habitude bien française d’aller chercher ses modèles à l’étranger, que les conditions et les problèmes ne sont pas les mêmes et que cela ne se passe pas si bien que cela non plus à l’étranger, les coalitions étant source d’immobilisme, finissant dans l’impasse ou interdisant de prendre des mesures fortes. Les exemples belges ou allemands sont-ils si enivrants que cela ? Au contraire, les plus lucides comprennent que les politiques ne peuvent rien parce qu’ils participent du problème, non pas tant, du reste, en raison de leurs divisions idéologiques réelles que de leur consensus sur un point essentiel : la soumission de la France à des entités supranationales qui nous interdisent de faire les choix essentiels, qui ne peuvent être que des choix de rupture. Ni la droite ni la gauche, en dépit de leur affrontement sur la question de la dette ou de l’immigration, par exemple, ne divergent sur la nécessité de rester enfermé dans un cadre européen et international qui nous lie les pieds et les mains. Et ce constat lucide, de plus en plus de Français le partagent du fait qu’ils sont de plus en plus nombreux à en faire l’amère expérience : une France qui continue de se désindustrialiser de ses derniers fleurons, une agriculture trahie par l’Union européenne et une classe politique à ses ordres, un monde prétendument ouvert qui laisse entrer les prédateurs sans plus protéger les citoyens, une idéologie permissive qui participe de la déliquescence d’une société qui devient, de ce fait même, de plus en plus dure aux faibles et aux petits, dont le divorce toujours plus béant entre métropoles et périphéries est l’un des signes.

Oui, jamais notre discours sur la radicale nouveauté que représenterait le recours à la solution capétienne n’aura été aussi audible qu’aujourd’hui. Cela ne signifie pas qu’il sera entendu ; encore faut-il que nous sachions présenter cette voie à la fois ancestrale et radicalement nouvelle comme celle du pays lui-même. Pierre Boutang proposait de « maintenir tout ce qui est national et conforme à l’esprit du temps dans le régime créé en 1958 » : nous sommes en 2025. Que la Ve République puisse servir de cadre institutionnel au recours à la tradition capétienne est une possibilité parmi d’autres, certainement la moins onéreuse et la moins traumatisante pour le pays. L’histoire décidera. Quant à l’esprit du temps, il s’agit en revanche de rompre avec ce que les élites de la Ve République en ont fait, puisqu’il n’est plus celui de la stabilité de l’État permettant de recouvrer l’indépendance du régalien, mais celui de la soumission de notre pays et de l’État à des intérêts étrangers, sur fond de lente disparition de notre pays.

Il nous appartient de réinventer le désir d’une magistrature royale : les Français les plus lucides ont déjà celui d’en finir avec le régime actuel et souhaitent un État impartial, indépendant et efficace, c’est-à-dire un État dont l’autorité légitime, incarnant la France elle-même, fonderait un pouvoir effectif et souverain. À nous de leur montrer que la magistrature royale, incarnée par le prince Jean de France, comte de Paris, répond justement à ce souhait existentiel, qu’elle est la seule solution sérieuse, viable et pérenne car conforme au génie de notre nation. ■ FRANÇOIS MARCILHAC
D’accord avec les deux derniers paragraphes. Sans le moindre doute!
Mais Je suis plus réservé en ce qui conteste les « entités supranationales »…Que ferait la France, même royale, sans l’Europe, sans une Europe de plus en plus unie face aux Empires agressifs du monde actuel?