
le cadre actuel est impuissant à « inverser la vapeur ». Il y faut la force d’institutions durables et, par nature, indépendantes de toutes les factions.
Par François Marcilhac.

« La France mérite-t-elle ce qui lui arrive ? » Telle est la grave question que, dans une tribune adressée aux Français, mi-septembre, le comte de Paris a posée en direction de ce peuple dont, en prince capétien, il partage les inquiétudes et les révoltes.
Un prince qui partage les révoltes du pays réel

Conscient du lien millénaire qui l’unit aux Français, il déclarait déjà, à propos des Gilets jaunes, au mensuel L’Incorrect le 21 janvier 2020 : « Je me suis toujours senti proche des Gilets jaunes parce qu’au début c’est quelque chose d’assez sain. Les ronds-points interpellaient tout le monde, il y avait un esprit fraternel ». Avant, évidemment, que l’extrême-gauche ne récupère le mouvement pour le pourrir et, surtout, le stériliser, au plus grand profit du pays légal. Plus récemment, le 24 novembre 2024 au soir, il est allé rencontrer, avec le dauphin, le prince Gaston, les agriculteurs qui manifestaient dans l’Aude, en vue de les soutenir, les paysans français se battant pour sauver l’agriculture qui est, selon les mots du prince, « la richesse de la nation ». Il déclarait alors dans un communiqué : « Face au dédain et dans l’indifférence la plus totale, ils se battent pour vivre, et pour nos territoires. Respect et soutien ». Pendant ce temps, le pays légal pliait honteusement devant Bruxelles en avalisant un Mercosur qui signera la faillite de notre agriculture.
Comment être étonné, dès lors, de ce texte aussi lucide que sévère, envers un pays légal qui a tout laissé faire, tout abandonné, quand il n’a pas délibérément trahi l’intérêt national, comme Macron avec Alstom — ce n’est qu’un exemple. Non, la France ne mérite pas ce qui lui arrive, s’il est vrai que la situation actuelle, catastrophique à plus d’un titre, « est le résultat », ajoute le Prince, « des mauvais choix politiques de ces trente dernières années et malheureusement dans tous les domaines ». Car ces choix ont été imposés aux Français sans qu’on leur demande leur avis, étant à peine informés des conséquences réelles des décisions prises, quand celles-ci ne heurtaient pas frontalement leur propre choix clairement exprimé, comme avec le traité de Lisbonne, autre trahison, celle-ci commise par Sarkozy en 2008 après le non de 2005 au traité constitutionnel européen. L’Action française 2000 avait alors titré en une : « Français, ne vous laissez pas voler votre non ! » C’est évidemment ce qui arriva trois ans plus tard.
Aussi le Prince a-t-il raison de décliner tous les domaines qui ont fait l’objet de ces « mauvais choix » expliquant la situationactuelle. Au plan politique ? Le quinquennat, qui nous a finalement ramenés à la IVe République. Au plan économique ? Une dette abyssale, couplée à « un abandon progressif de notre indépendance énergétique, là même où nous étions en avance » — le nucléaire —, tandis que nous avons laissé nos entreprises étouffer sous le poids d’une réglementation pléthorique, ou, pour les plus performantes et les plus prometteuses, être happées par des multinationales, surtout américaines, la République, confirmant ainsi qu’elle est bien le règne de l’étranger. Au plan social ? Des « services publics qui disparaissent de nos territoires », tandis que nous subissons une immigration « qui submerge aujourd’hui notre pays, sans contrôle ni règle de réciprocité ou d’intégration, entraînant une insécurité grandissante sur tout le territoire ». Et, pour compléter le tout, des lois sociétales dont le caractère hyper-individualiste aggrave la liquéfaction de notre société. Enfin, sans s’y attarder, car le diagnostic est évident, au plan extérieur, la voix de la France n’est plus audible : ceux qui la dirigent ne savent plus parler au monde.
Le vote, une première étape
« Il est temps de nous réveiller », alerte le Prince, car l’heure est grave. Mais, manifestement, ses inquiétudes ne portent pas seulement sur l’état de notre pays : elles concernent aussi la marge de manœuvre que « nos dirigeants » et, peut-être aussi, ceux qui dirigent… nos dirigeants à Bruxelles, ont le dessein de laisser aux Français. « Par notre vote », déclare-t-il, « nous devons inverser la vapeur et soutenir les politiques qui sont prêts à poursuivre le bien de la France et des Français », mais non sans prévenir : « si jamais nos dirigeants nous laissent encore cette possibilité de choisir ». Comment ne pas percevoir une angoisse sourde devant la liberté politique qui est encore laissée à un peuple dont on mesure de plus en plus chichement la capacité à décider en toute indépendance, avec l’aide pernicieuse d’un pouvoir des juges que, finalement, le pays légal trouve commode, car il lui permet de se défausser de décisions qu’il approuve en invoquant un plafond de verre juridique. Car c’est au nom de traités, de lois supranationales, de principes chaque jour inventés avec une imagination débordante — celle qui préside à la déclinaison indéfinie du triptyque « droits de l’homme, État de droit, démocratie », qui est la devise du Conseil de l’Europe mais vaut tout aussi bien pour l’Union européenne — qu’il est désormais interdit aux peuples européens en général, et au peuple français en particulier, d’ « inverser la vapeur » et de rendre possibles des actions conformes au bien commun de la part de politiques qui seraient prêts à les mettre en œuvre. Il en est ainsi d’un référendum sur l’immigration : il serait anticonstitutionnel et désormais le Conseil constitutionnel, outrepassant continuellement ses missions, s’arroge le droit d’en décider. Peu importe que, par exemple, le sondage ouvert par Philippe de Villiers sur le sujet ait recueilli près de deux millions de signatures à l’heure où nous écrivons. « Circulez ! Il n’y a rien à voir ! »
Les acteurs du pays légal — politiciens, intellectuels de cour, journalistes de grand chemin — n’en finissent pas, pour expliquer le blocage politique actuel dû à une assemblée divisée en trois grandes tendances elles-mêmes composites, qu’il faut en finir… avec la monarchie présidentielle et revenir à un vrai régime d’assemblée nous permettant d’apprendre la sacro-sainte culture du compromis, recette miracle que nous serions les seuls à bouder, alors que l’impasse actuelle provient précisément de ce retour larvé au règne des partis. Comme si, du reste, il fallait confondre le légitime rejet par les Français d’un président failli avec des institutions qui, par ailleurs, ne sont plus ce qu’elles étaient.
Renouer le pacte avec la famille royale
Depuis le quinquennat ? Le Prince a raison d’insister sur ce point. Mais son grand-père qui avait vécu en direct le ballottage de la présidentielle de 1965 avait immédiatement compris que le ver était dans le fruit : au premier signe de faiblesse du pouvoir, les partis, courroie de transmission de toutes les oligarchies possible, reviendraient en force pour dicter leur loi. Telle est la fameuse culture du compromis : la captation par les partis de l’intérêt général. Nous y sommes.

Aussi le Prince précise-t-il à juste titre, au cas où des politiques soucieux du bien commun arriveraient au pouvoir : « Au-delà de cette première étape, renouons le pacte entre les Français et la Famille Royale ». Car rien ne dit qu’une telle arrivée au pouvoir pourrait se traduire par des actes forts, par une rupture véritable, par un redressement pérenne. La pression des marchés financiers couplée aux impossibilités juridiques actuelles (Union européenne, CEDH, commandement intégré de l’OTAN) auxquelles sont soumises nos décisions — la République s’est elle-même liée les pieds et les poings —, briderait toute tentative sérieuse de redressement du pays, jusqu’à rendre inopérantes les meilleures volontés. Et ce serait une nouvelle déception. Les hommes ne sont pas grand-chose sans les institutions : le cadre actuel est impuissant à « inverser la vapeur ». Il y faut la force d’institutions durables et, par nature, indépendantes de toutes les factions. Seule l’autorité royale pourrait fonder un pouvoir suffisamment fort pour « inverser la vapeur ». N’attendons pas : le temps presse. ■ FRANÇOIS MARCILHAC
Manducation : lire et relire, comme on mâche et mastique avant d’absorber et métaboliser, c’est à dire, faire sienne une pensée.
Exerçons-nous sur la conclusion proposée par M. Marcilhac :
« Les hommes ne sont pas grand-chose sans les institutions : le cadre actuel est impuissant à » inverser la vapeur « . Il y faut la force d’institutions durables et, par nature, indépendantes de toutes les factions. Seule l’autorité royale pourrait fonder un pouvoir suffisamment fort pour » inverser la vapeur « . N’attendons pas : le temps presse. »
« Cracher le morceau »: pas d’autorité royale sans indépendance, c’est évident. Pas d’indépendance sans article 50 et une vraie remise à plat des liens de fer qui entravent la France et la menacent d’extinction.