
« Le commun des mortels ne se retrouvait plus dans le récit qu’on lui racontait et n’y voyait pas non plus le pluralisme qui traverse pourtant le pays réel. »
Par Mathieu Bock-Côté.

Ce n’est pas plus d’ordre dans les idées, plus de consensus sur ce qui nous est commun et qui nous vient donc nécessairement de l’Histoire, plus de foi dans le destin national et dans celui de notre civilisation, plus d’ardeur à l’accomplir — non, pas du tout. C’est plus de docilité aux basses œuvres de la modernité macronienne post-nationale, plus d’acceptation du mondialisme, de l’immigration massive, des réformes dites « de société » : c’est tout cela que vise la politique désormais annoncée de restriction des libertés, en France et plus généralement en Europe occidentale. C’est à quoi s’oppose vigoureusement, courageusement, régulièrement Mathieu Bock-Côté, partout où il s’exprime, comme il le fait dans cette chronique du Figaro (1er novembre).

CHRONIQUE – Emmanuel Macron a appelé en début de semaine à réguler les réseaux sociaux pour « reprendre le contrôle de notre vie démocratique et informationnelle ». Une déclaration qui souligne la volonté de l’extrême centre d’obtenir le monopole du récit médiatique légitime.
La charge d’Emmanuel Macron contre les réseaux sociaux, en début de semaine, n’était pas vraiment surprenante. On se souviendra ainsi de l’idée, lancée en 2018, d’une loi anti-fake news. Elle faisait suite aux victoires de Donald Trump et du Brexit, traités comme un accident électoral suivi d’un accident référendaire, s’expliquant par le dérèglement des systèmes d’information, désorientant le peuple, et le conduisant à mal voter.
Près d’une décennie plus tard, le président de la République radicalise cette analyse. Les réseaux sociaux permettaient l’expression d’une parole factieuse, non filtrée, polluée par les passions populaires, alimentée par les faits divers. Ils mettraient au cœur de la vie publique des faits n’ayant pas été « sélectionnés » par des journalistes formés pour cela. Dès lors, le débat public ne se ferait plus sur la bonne base, et échapperait à ceux qui auraient pour fonction de le paramétrer correctement, pour qu’il ne conduise pas le peuple sur de fausses pistes, celles des extrêmes.
Max Weber disait que l’État se caractérisait par le monopole de la violence légitime. On le paraphrasera en disant que l’extrême centre, aujourd’hui, réclame le monopole du récit médiatique légitime – ceux qui s’en éloigneraient basculeraient dans le domaine de la post-vérité. Il faudrait donc « reprendre le contrôle de notre vie politique et informationnelle » pour empêcher les empires commandant les réseaux sociaux d’opérer une forme de coup d’État numérique sur nos sociétés.
Qu’on me permette de revenir ici sur deux termes.
D’abord, Emmanuel Macron reconnaît ici l’importance de la sélection des faits dans la construction de la vie publique, sans se demander justement si la sélection opérée pendant trop longtemps par le système médiatique ne reposait pas sur le refoulement ou l’invisibilisation de ceux qui contredisaient l’idéologie dominante.
Diaboliser le contradicteur
Par exemple, l’insécurité fut longtemps traitée comme un fantasme alimenté par des faits divers qu’il était interdit de raconter dans leur cohérence et, plus encore, d’associer à une délinquance conquérante indissociable de la révolution démographique de notre temps. De même, il était interdit de prendre au sérieux cette révolution démographique entraînant la mise en minorité du peuple historique français sur son territoire. Qui osait même évoquer l’idée était accusé de « faire le jeu de l’extrême droite ». Se rendaient-ils même compte que le simple usage du terme extrême droite pour désigner une mouvance démocratique relevait de l’éditorialisation hostile ?
La sélection des faits autorisés par les médias du régime a entraîné durablement une falsification de l’expérience démocratique, dans une forme de dédoublement idéologique qu’a déjà analysé dans La Pensée captive Czeslaw Milosz – d’un côté, on trouve une version certifiée et médiatiquement adéquate de la représentation du réel, de l’autre, un réel sauvage qui ne devait pas être mentionné, mais dont tous faisaient l’expérience. Le commun des mortels ne se retrouvait plus dans le récit qu’on lui racontait et n’y voyait pas non plus le pluralisme qui traverse pourtant le pays réel.
Les réseaux sociaux, et certains médias dissidents, lui ont permis d’aller voir ailleurs s’il y était. L’homme ordinaire y a retrouvé la trace de sa propre vie. Il y a retrouvé aussi l’expression de courants de pensée traduisant politiquement ses intuitions, mais qui n’apparaissaient pas autrement qu’à la manière de résidus idéologiques dans le récit médiatique officiel. Évidemment, cet espace médiatique alternatif extérieur aux critères généralement admis de la respectabilité donne une place plus grande aux partis maltraités dans le mainstream – structurellement, parce qu’il ne les désavantage pas, il les avantage indirectement.
Quoi qu’il en soit, le pouvoir, aujourd’hui, ne tolère plus ces réseaux sociaux, qui favorisent une culture insurrectionnelle, et veut les mater. J’en reviens donc à la volonté de « reprendre le contrôle de notre vie démocratique et informationnelle ». Qui doit reprendre le contrôle ? Et de quelle manière ? Faut-il interdire ces réseaux sociaux, ou du moins certains d’entre eux ? Faut-il prendre le contrôle de leur algorithme ? Faut-il en revenir à l’idée d’une information officielle, vérifiée par des fact-checkers certifiés, qui se sont pourtant montrés à plusieurs reprises terriblement militants, et surtout occupés à traquer les discours leur déplaisant, soit au nom de la lutte contre la haine, soit au nom de la lutte contre la désinformation ?
On sait par ailleurs que la nomenklatura européiste voulait, avec le projet Chat Control, pour l’instant reporté, scanner toutes les conversations privées par messagerie, ce qui n’est pas sans lien avec notre sujet. Sommes-nous appelés, pour mener à terme une forme d’épuration éthique de l’espace public, à mettre en place un ministère de la Vérité ? o ■ o MATHIEU BOCK-CÖTÉ












En d’autres temps et autres lieux , c’est à dire en Union Soviétique sous le régime communiste dont se rapproche de plus en plus la bureaucratie de l’U.E , l’organe dont parle ici Mathieu BOCK-COTE existait bel et bien et s’appelait alors la Pravda, soit la Vérité en français.
Si on les laisse faire, on y va tout droit !