
Donald Trump ? « Il manifeste une préférence éhontée pour son pays. Faut-il l’en blâmer ? Ne faudrait-il pas plutôt suivre son exemple ? »
Par Dominique Jamet.

COMMENTAIRE – S’agit-il là d’un article qui verse dans la trumpmania ? Nous ne croyons pas que cela en soit le fond. Trump, écrit Jamet, « manifeste une préférence éhontée pour son pays. Faut-il l’en blâmer ? Ne faudrait-il pas plutôt suivre son exemple ? » La réponse est oui. Y compris, bien sûr, en accomplissant la rude tâche toujours à reprendre de défendre âprement nos intérêts face à ceux, toujours virulents ou agressifs des Américains. Mais, écrit-il par ailleurs : « Le vent nouveau qui nous vient aujourd’hui d’outre-Atlantique fortifie les chances de succès du sursaut salutaire qui s’amplifie » partout en Europe et en France comme ou plus qu’ailleurs. Nous serions sots et fort mauvais marins de ne pas savoir nous servir de ce vent là, venu d’Ouest.

Quoi que l’on pense de l’homme fort qui préside depuis trois mois aux destinées de la première puissance du monde, oui, quelque opinion que l’on ait de Donald Trump, en tant que personne, de sa vulgarité, de sa brutalité, voire de sa grossièreté, de son amour immodéré pour la finance, de son indifférence et plus souvent de son hostilité à tout ce qui est intellectuel, artistique, culturel, de ses goûts en matière de décoration, de ses talents oratoires, de son ignorance crasse en matière de littérature, de peinture et plus généralement de toutes les formes et les genres artistiques, quelques points, essentiels, doivent être rappelés.
Une élection démocratique

C’est l’honneur de la démocratie américaine et la preuve du respect de ce grand pays pour ses principes fondateurs que tribunaux et Cour suprême aient fait prévaloir la souveraineté du peuple sur toute autre considération. Donald Trump était empêtré dans vingt affaires, vingt procès qui n’auraient pas forcément tourné à son avantage. La Justice des États-Unis a refusé d’outrepasser ses droits et d’interdire à une majorité présumée d’électeurs de voter pour le candidat de leur choix. D’autres magistrats, dans d’autres pays (suivez mon regard), du côté de Bucarest et même à Paris, n’ont pas eu de tels scrupules et se sont arrogé le droit de fouler aux pieds le terrain politique où ils n’ont rien à faire.
Un homme politique qui tient ses promesses
Donald Trump, mauvais perdant en 2020, est devenu, en novembre 2024, le commandant en chef, très légitimement élu, des États-Unis. S’il y a un point que nul ne saurait contester, c’est que le président élu s’est attaché, à peine entré à la Maison-Blanche, à mettre en œuvre le programme que, candidat, il avait proposé aux citoyens nord-américains, qu’une majorité des votants avait approuvé. Le cas est trop rare pour n’être pas signalé et souligné. Un homme politique qui tient les promesses faites et reste fidèle aux engagements pris est une rareté, et pas seulement dans les régimes autoritaires… Qu’en adviendra-t-il ? C’est une autre affaire, qui se joue en ce moment même sous nos yeux.
America First
America First (« l’Amérique d’abord »), l’Amérique avant tout. L’Amérique au-dessus de tout, über alles comme ont peut-être dit eux aussi, dans une autre langue et un autre contexte, les ancêtres germaniques du Donald. Personne ne pourra avancer de bonne foi que le candidat Trump n’avait pas annoncé la couleur. Président des États-Unis, il défend sous les cris d’orfraie du reste du monde, éberlué, les intérêts et le statut de son pays, comme devrait le faire tout chef d’État digne de ce nom. Il préconise et facilite la relocalisation, le développement et la modernisation de l’industrie nationale. Il ne voit pas pourquoi les Américains seraient contraints d’acheter des voitures allemandes produites au Mexique ou au Canada, et moins encore pourquoi la Chine continuerait impunément à inonder le marché américain de ses produits les plus grossiers et les plus avancés, également fabriqués à bas prix. Il incite les entrepreneurs que les barrières qu’il élève à l’entrée de son pays inquiètent, rebutent ou dissuadent à venir s’y installer. Bref, il manifeste une préférence éhontée pour son pays. Faut-il l’en blâmer ? Ne faudrait-il pas plutôt suivre son exemple ?
Et l’Europe ?
Le président Trump ne croit pas aux institutions internationales, politiques ou humanitaires. Il faut bien dire que depuis des années les premières ont fait la preuve de leur inadaptation et de leur impuissance, les autres voyant dans la tirelire de l’Oncle Sam une inépuisable vache à lait.
Contrairement aux présidents démocrates, si ouverts sur le monde qu’ils en deviennent parfois interventionnistes et se lancent inconsidérément dans des conflits coûteux en hommes, en argent et à l’issue parfois désastreuse, le président Trump n’aime pas la guerre. C’est l’une de ses constantes. A-t-il eu tort de prévenir ses partenaires, pour ne pas dire ses vassaux, qu’ils seraient bien inspirés de ne pas se croire automatiquement, quoi qu’il arrive, et jusqu’à la fin des temps, couverts par le parapluie américain, comme en 1917, comme en 1942, comme depuis 1945, comme dans La Soupe aux canards, film burlesque et génial des Marx Brothers ? Ne serait-ce pas aux quelque 450 millions d’Européens, répartis entre une trentaine d’États, puissances moyennes, dont deux détiennent par chance l’arme nucléaire, petits pays ou confettis minuscules, de s’organiser et, s’ils veulent garder le droit à la parole, voire à l’existence, de créer une armée commune, ce qui suppose également, pour que cela ait du sens, une diplomatie, un commandement, des objectifs et des équipements communs (quitte à ce qu’ils ne soient pas systématiquement made in USA ?) That is the question. C’est le conseil d’ami que leur donne Trump.
Trump considère les actuels dirigeants européens avec un mépris peu dissimulé qui n’exclut pas un reste d’amitié. Tel qui croit pouvoir vanter une relation privilégiée avec lui n’est à ses yeux qu’un rigolo distrayant, tel autre un ectoplasme en forme de paillasson et le troisième un parfait inconnu. Une exception notable est constituée par Giorgia Meloni, qui a su tisser un lien affectif et effectif avec le leader républicain aujourd’hui président.
Européens, Français, où en sommes-nous aujourd’hui ?
Comme depuis un siècle déjà, répartis, partagés et divisés entre ceux qui redoutent et dénoncent l’impérialisme américain et ceux qui tremblent à l’idée que l’Amérique nous laisse tomber avant de revenir, éternel Zorro, sauver le Vieux Continent – ou ce qu’il en restera.
On avait classé Trump, un peu vite, parmi les isolationnistes. À la surprise générale, le vice-président Vance et le secrétaire d’État Rubio, porte-paroles du maître, se sont ingérés sans vergogne dans notre paysage politique pour regretter à son de trompe que la majorité des consternants gouvernants européens – France, Grande-Bretagne, Allemagne en tête – se révèlent incapables de remplir leurs missions et leurs devoirs le plus élémentaires : assurer dans un monde chaotique et d’abord face à une grande invasion, pacifique mais destructrice qui s’aggrave de notre désastre démographique, la prospérité, la sécurité, l’unité, la fierté, la cohésion nationale et la continuité de notre civilisation.
Insoucieux des distinctions entre droite et gauche, des cordons sanitaires et autres remèdes de bonnes femmes, les missi dominici de Washington ont affirmé clairement leur soutien aux partis et aux dirigeants, quels qu’ils soient, qui se sont engagés dans la défense des peuples premiers que nous sommes devenus, menacés par la détérioration, puis la dénaturation, puis la négation, puis la haine et la chute finale de notre civilisation, de notre culture, de notre indépendance et de nos libertés, bref, de tout ce qui a fait le charme, le prix et la singularité, entre XVIIIe et XXe siècles, de nos chers et vieux pays. Le vent nouveau qui nous vient aujourd’hui d’outre-Atlantique fortifie les chances de succès du sursaut salutaire qui s’amplifie de Paris à Bucarest et de Londres à Berlin, en passant par Rome et Budapest ! ■ DOMINIQUE JAMET
