
« les hommes doivent désormais se fondre dans une citoyenneté aseptisée, qu’on voudra enchanter à coups de valeurs républicaines. »
Par Mathieu Bock-Côté.

Cette chronique est parue dans Le Figaro d’hier samedi (21.06.2025). Nous y trouvons un Mathieu Bock-Côté de plus en plus anti Système, de plus en plus revenu des pratiques dudit Système , de plus en plus enclin à pronostiquer son explosion. Au fur et à masure que se renforce l’analogie entre la situation présente et les images et les souvenirs d’un effondrement précédent, celui de mai et juin 1958 ou celui, avorté par le génie tacticien de De Gaulle et la grâce des Soviets, de mai 1968. Le prochain effondrement sera d’une autre gravité qu’un psychodrame estudiantin fomenté de l’étranger. Il viendra des profondeurs et d’une volonté de survie existentielle de la nation. Mathieu Bock-Côté parce qu’il dénonce l’antiracisme sera-t-il accusé de racisme par les bonnes âmes démochrétiennes ? Leurs leçons de morale portent à rire et l’influence des idées de Mathieu Bock-Côté grandit. Bon sujet de réflexion, après tout ! JSF

CHRONIQUE – L’émission spéciale de France 2 « Sommes-nous tous racistes ? » a expliqué mardi soir aux téléspectateurs qu’il fallait éduquer la population à l’antiracisme, en surmontant les préjugés.
Le réel ayant ses droits, tout cela finira par exploser.
Il fallait un certain courage, ou alors y être contraint par son métier, pour regarder dans sa totalité l’émission spéciale de France 2 « Sommes-nous tous racistes ? ». Officiellement, il s’agissait d’analyser la profondeur et l’étendue des préjugés en France. L’émission se présentait comme une expérience sociologique à grande échelle, multipliant les situations, plus que variées, où ces préjugés se dévoileraient, remonteraient à la surface. Un commentaire en forme d’expertise venait s’assurer ensuite que tous comprennent le message : oui, nous sommes tous racistes, mais les Blancs quand même un peu plus que les autres.
Car l’émission relayait aussi cette thèse de la sociologie universitaire : si les non-Blancs peuvent avoir des préjugés raciaux, seuls les Blancs profitent d’un système discriminatoire à grande échelle construit à leur avantage qu’on nomme racisme. Le Blanc est raciste et le raciste est blanc. Le racisme apparaît, nous disait cette émission, dès lors qu’apparaît une conscience commune, un « nous », au sein d’une société humaine – un « nous » engendré par une forme de ressemblance liant à différents degrés l’origine, les mœurs, une même langue, une histoire commune.
Même les antiracistes sont racistes
La bête humaine serait maudite, dans la mesure où, spontanément, elle serait attirée par le même, et voudrait évoluer dans un environnement dans lequel elle se reconnaît – la conscience communautaire étant, quoi qu’on en dise, la chose la plus naturelle du monde. Même les antiracistes les plus fervents seraient racistes sans le savoir – chacun devrait pour cela cultiver la plus grande vigilance envers soi-même, à la manière d’un homme qui autrefois devait scruter son âme et résister à la tentation du péché au quotidien.
Le racisme prend ici le visage du péché originel du monde occidental. Nous sommes au seuil de la vision d’Ibram X. Kendi, l’« historien » américain, qui répétait, tel un mantra, qu’il ne suffisait pas de ne pas être raciste, mais qu’il fallait être antiraciste, entendant par là qu’il fallait transformer profondément la structure de la société pour l’arracher aux mécanismes sociologiques, institutionnels et psychologiques produisant le racisme et des hommes racistes. France 2 prend des pincettes, et nous explique surtout que nous devons tous nous éduquer à l’antiracisme et surmonter nos préjugés. Traduisons : il faudra surtout nous rééduquer.
« L’homme naîtrait égal, c’est la société qui le rendrait inégal. De même, l’homme naîtrait indifférencié, et c’est seulement l’histoire qui l’enfermerait dans une identité dont il devrait s’affranchir pour retrouver son universalité originelle »
Ce qui passera par une politique à trois dimensions. La première : on censurera des discours « racistes » pour éviter qu’ils ne contaminent la société. La seconde : on matraquera la société d’une propagande incessante, censée nous convaincre des vertus du vivre-ensemble. La publicité, l’art, les communiqués d’entreprise, les programmes scolaires, tout devra relayer l’idéologie diversitaire. La troisième : il faudra reconstruire les structures fondamentales de la société, poussant à la différenciation des êtres humains et engendrant ce que les sociologues nomment des « inégalités ».
L’antiracisme, un socialisme multiculturaliste
On trouve là une conviction forte de l’antiracisme : les différences entre les groupes humains au sein d’une même société (ou entre les sociétés) ne seraient pas le résultat de pratiques culturelles différentes, mais de systèmes discriminatoires conjugués produisant des inégalités, inévitablement théorisées comme des injustices. On voit ici que l’antiracisme est à bien des égards le fruit d’une mutation du socialisme, dans la mesure où il présuppose qu’une société, à son état naturel, si elle n’était pas victime de distorsions institutionnelles et culturelles, serait radicalement égalitaire. L’antiracisme est un socialisme multiculturaliste.
L’homme naîtrait égal, c’est la société qui le rendrait inégal. De même, l’homme naîtrait indifférencié, et c’est seulement l’histoire qui l’enfermerait dans une identité dont il devrait s’affranchir pour retrouver son universalité originelle. À ce moment, on comprend que cet antiracisme s’en prend tout simplement à l’homme en tant que créature incarnée, portée à vouloir former un corps politique avec les siens qu’il nommera son peuple, et auquel il ne viendra jamais l’idée de penser que cette appartenance soit une pathologie, sauf à rencontrer un sociologue lui expliquant que la nature humaine est une théorie d’extrême droite.
Il s’imagine une société d’hommes différents mais privatisant leurs différences pour communier dans un universalisme technocratique, tenu de force et par le haut par des ingénieurs sociaux animés par la révélation diversitaire. On peut dès lors la diversifier toujours plus par vagues migratoires successives : puisque les hommes doivent désormais se fondre dans une citoyenneté aseptisée, qu’on voudra enchanter à coups de valeurs républicaines, cela ne fera aucune différence. Bien évidemment, le réel ayant ses droits, tout cela finira par exploser. Les apprentis sorciers savent toujours fabriquer l’enfer sur terre. ■ MATHIEU BOCK-CÖTÉ