
On se touche, on se caresse, on se congratule, comme toujours, façon Macron.
Par Ronan Planchon.

Cette tribune est parue dans Le Figaro de ce main, du 26 juin. Nous laissons aux lecteurs d JSF le soin de le commenter, s’il y a lieu. Bonn lecture. JSF
TRIBUNE – Alors que la justice algérienne a requis en appel 10 ans de prison à l’encontre de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, la France continue de s’interroger sur la possibilité, ou non, de supprimer l’accord de 1968, déplore André Rougé, fondateur du cercle des Horaces.
Les Horaces sont un cercle de hauts fonctionnaires, d’universitaires, d’entrepreneurs et de penseurs réfléchissant auprès de Marine Le Pen, créé et animé par André Rougé, député du Rassemblement national au Parlement européen.

Alors que notre compatriote Boualem Sansal vient de comparaître devant ses juges à Alger, en assumant sa défense, seul et en français, la question de la relation franco-algérienne – cet éléphant dans le couloir que personne ne veut voir – est clairement posée.
Difficile alors d’échapper à la question de la possibilité, pour les ressortissants Algériens, d’entrer en France si facilement : faut-il ou non abroger le fameux accord conclu entre la France et l’Algérie le 27 décembre 1968 et modifié trois fois – la dernière le 11 juillet 2001 – ? La réponse de bon sens à cette question est oui, puisqu’il a pour objet la circulation, l’emploi et le séjour en France des Algériens et de leurs familles, car rien ne peut justifier qu’il soit plus facile pour les Algériens que pour tout autre étranger d’obtenir un visa pour se rendre en France. Il convient donc de leur appliquer le droit commun, celui du bien mal nommé code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) qui devrait d’ailleurs être rebaptisé « code des étrangers ».
Les opposants à l’abrogation de cet accord mettent en avant qu’elle aurait pour conséquence un retour en arrière, c’est-à-dire l’application des accords d’Évian, encore plus favorables aux Algériens. Cet argument n’est, à première vue pas faux, mais témoigne, au fond, d’une méconnaissance profonde du droit international. Il est vrai que dans la partie intitulée les « Déclarations gouvernementales » des accords d’Évian du 18 mars 1962 figure une rubrique « Déclaration des garanties », dont l’article premier prévoit que « tout Algérien muni d’une carte d’identité est libre de circuler entre l’Algérie et la France ». Abroger les accords de 1968 serait donc, nous disent les Diafoirus du droit, aller à l’encontre de l’objectif poursuivi par les partisans de l’application, pour les Algériens, du Ceseda.
Convention de Vienne
Examinons d’abord comment abroger l’accord de 1968 et ensuite comment ne pas revenir aux dispositions des accords d’Évian. Tout d’abord, l’abrogation de l’accord de 1968 ne relève pas de la compétence du président de la République, contrairement à ce qu’il prétend, par ignorance ou par mépris des Français. En effet, l’accord de 1968 est dit en forme simplifiée. Il a été signé, pour la France, par Jean Basdevant, directeur général des affaires culturelles et techniques au ministère des Affaires étrangères, et côté Algérien, par Abdelaziz Bouteflika, qui n’avait alors aucune fonction officielle.
Cet accord n’a pas été ratifié, car sa forme simplifiée ne le nécessitait pas. Conséquence importante, c’est le premier ministre français et son gouvernement qui sont compétents pour le dénoncer, à charge pour eux, conformément à l’alinéa 2 de l’article 52 de la Constitution, d’informer le président de la République de leurs intentions et de leurs décisions.
L’Algérie est-elle de bonne foi lorsqu’elle refuse de reprendre la quasi-totalité de ses ressortissants que la France a décidé d’expulser parce qu’ils sont entrés sur le sol national ou s’y sont maintenus sans droit ni titre ?
Prenons comme hypothèse que le courage ne faisant pas défaut au premier ministre, il décide de dénoncer l’accord de 1968. Dans le même temps, il conviendrait que la France dénonce les dispositions des accords d’Évian relatifs à la circulation des Algériens. Comment faire, ces accords ne comportant pas de clauses de retrait des parties ? C’est très simple, il suffit de recourir à la convention de Vienne sur le droit des traités de 1969. Cette convention est pleine de ressources. Son article 26 dispose que « tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ».
Cet article est issu d’un principe cardinal et ancien du droit international public : « Pacta sunt servanda » (« les conventions doivent être respectées »). Quant à son article 60, il prévoit qu’« une violation substantielle d’un traité bilatéral par l’une des parties autorise l’autre partie à invoquer la violation pour mettre fin au traité ou suspendre son application en totalité ou en partie. » Un autre principe du droit mérite d’être pris en compte : un accord ou un traité international ne peuvent continuer à produire leurs effets que « si les choses restent en l’état » (« Clausula rebus sic stantibus »).
Appliquer le droit commun
L’Algérie est-elle de bonne foi lorsqu’elle refuse de reprendre la quasi-totalité de ses ressortissants que la France a décidé d’expulser parce qu’ils sont entrés sur le sol national ou s’y sont maintenus sans droit ni titre ? Peut-on considérer que les circonstances qui ont conduit à la conclusion des accords d’Évian et à l’accord de 1968 ont changé ? À l’évidence, oui. Quant à l’article 56 de la Convention, il prévoit le cas du retrait d’un traité lorsque le traité lui-même ne comporte pas de clauses relatives à sa dénonciation, ce qui est le cas des accords d’Évian et de 1968.
Enfin, tout le monde semble avoir oublié que, lorsqu’un État constate la violation d’un accord ou d’un traité par l’une des parties et qu’il continue à l’appliquer, il engage sa responsabilité pour les dommages qui pourraient être causés par la poursuite de son application. Cela ne fait-il pas immédiatement penser à tous ces étrangers en situation irrégulière qui ont commis des crimes ? Crimes qui n’auraient pas été commis s’ils n’avaient pu se rendre en France ou si leur pays d’origine n’avait pas fait obstacle à leur expulsion.
Il est donc possible, et même très simple, d’appliquer le droit commun, celui du Ceseda, aux Algériens. À une condition, avoir le courage politique nécessaire. Voilà bien l’obstacle qui se dresse devant le bon sens, devant l’intérêt de la France et des Français : il est un concentré de faiblesse, de veulerie et de compromission avec une dictature qui a pour passe-temps favori de faire de la France la cause de tous les problèmes de l’Algérie. ■