Le 23 avril, c’était l’anniversaire de Georges Steiner, 80 ans, né à Paris en 1929. Le fait est mentionné par l’éphémeride d’Evene, que Le Figaro met en bonne place sur la page d’accueil de son édition électronique.
Un petit texte, intéressant, accompagne ce rappel, suivi d’une bibliographie, intéressante elle aussi. Pourtant, on est très vite surpris, et déçu. C’est curieux : quand on connaît l’estime réciproque que se portaient les deux hommes, et quand on sait ce que Steiner pense et dit de Boutang, Pierre Boutang n’existe pas pour Evène. Il a disparu des écrans radars. Néantisé …
On se perd donc en conjectures sur la cause de cet « oubli ». Oubli, tout simplement ? Mais ce serait très surprenant… Épuration d’un autre âge, et censure, dûe au politiquement correct ? Mais ce serait assez inattendu en ce qui concerne Steiner, qui n’a pas craint d’écrire un ouvrage avec Pierre Boutang, et qui pense, et qui dit, que Boutang est tout simplement le plus grand philosophe, depuis Platon ! Excusez du peu ! Et de plus, dans cette biographie, on parle de Gustave Thibon, qui aurait dû, à ce compte-là, être épuré lui aussi…
La vérité oblige à dire que nous ne savons rien du pourquoi du comment de tout ceci, et que l’on ne peut que le constater, tout simplement. Inutile de se perdre trop longtemps dans de vaines suppositions…
Contentons-nous donc de réparer un oubli et de combler simplement une lacune -on l’appellera ainsi, faute d’élèments d’information suffisants, en se gardant de noircir trop les choses…-. Et réunissons juste les deux amis, les deux complices, qu’une biographie – par ailleurs intéressante – a curieusement séparés.
Voici, pour mémoire, la malgré tout sympathique page consacrée par Evène à Steiner :
Biographie de George Steiner
Après onze années passées à Paris, George Steiner et ses parents, d’origine juive viennoise, arrivent aux États-Unis en 1940 pour échapper à la Seconde Guerre mondiale. Très tôt, George Steiner reçoit une éducation polyglotte et son père lui fait apprendre le grec ancien à 6 ans en lui faisant croire que « L’ Iliade » n’est pas traduit en allemand. Le jeune homme fréquente ensuite les universités d’Oxford et de Cambridge. Il sort diplômé en mathématiques, en sciences physiques et en lettres en 1949. Dès 1950, l’étudiant brillant est engagé comme journaliste au sein de The Economist et se fait remarquer grâce à un cours sur Shakespeare qu’il donne à l’université de Genève où il enseigne la littérature. Nommé professeur émérite à sa retraite, il continue d’enseigner au St Anne’s College à Oxford. Parmi la vingtaine d’ouvrages à son actif, citons ‘Tolstoï ou Dostoïeviski’ en 1958 et ‘Après Babel’ en 1975. Il publie de nombreux ouvrages notamment ‘Les Livres que je n’ai pas écrits’ dans lequel l’auteur fait état de sept projets, sept absences, sept échecs supposés. Depuis 1966, George Steiner est critique littéraire au New Yorker. Son activité littéraire traverse les années et il publie notamment ‘Langage et silence’ en 1969, ‘Martin Heidegger’ en 1981, ‘Le Sens du sens’ en 1988, ‘La Mort de la tragédie en 1993, ‘Grammaires de la création’ en 2001, ‘Logocrates’ en 2003 ou encore ‘Une certaine idée de l’Europe’ en 2005. Ayant beaucoup réfléchi sur les rapports entre l’art et la transcendance, George Steiner fonde sa philosophie sur le langage, le mal, la transcendance et le rapport entre la culture et la barbarie.
PORTRAIT DE GEORGE STEINER
La pensée symphonique
Au lendemain d’un Salon du livre controversé mettant à l’honneur Israël et l’écriture en hébreu à l’exclusion de toute autre langue, comme l’anglais ou l’arabe, revenons sur la pensée du plus érudit des juifs, du plus polyglotte aussi. George Steiner, qui publiait en janvier chez Gallimard son dernier essai, ‘Les Livres que je n’ai pas écrits’, nous montre une nouvelle fois que c’est par et pour les textes qu’il appréhende les savoirs.
D’autres célébrités liées à Steiner :
Jean-Paul Curnier, François Jullien, Jean-Luc Marion, Michel Henry, Maurice Blanchot, Jean-François Revel, Albert Camus, Jean-Louis Schefer, Gustave Thibon, Daniel Bensaïd, Pascal Bruckner, Simone de Beauvoir, André Tubeuf, Alain Finkielkraut, Alain Renaut, John Rawls, Jürgen Habermas, Jean-François Lyotard, Alain Badiou, Luc Ferry.
Et, sur une autre page, Evène cite :
Chantal Delsol, Alain Badiou, Michel Foucault, Jacques Derrida, Simone Weil, Emil Michel, Cioran, André Tubeuf, Léo Strauss, Bruno Bettelheim, Luc Ferry, Gilles Deleuze, Paul Ricoeur, Emmanuel Mounier, Noam Chomsky, Jürgen Habermas, Benny Lévy, Marcel Gauchet, Claude Lévy-Strauss, Betty Friedan, Hannah Arendt.
Bibliographie
Ceux qui brûlent les livresde George Steiner[Littérature étrangère XXIe]Dans cet essai, Steiner expose son rapport aux livres et ce qu’il doit aux religions du livre. Plus sur « Ceux qui brûlent les livres« |
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A cinq heures de l’après-midide George Steiner[Littérature étrangère XXIe]Ville dangereuse, M. comptabilise des dizaines d’homicides par jour. Des cadavres piégés sont laissés, abandonnés ou ramassés à la tombée du jour ; seule l’odeur du sang rappelle ce qui s’est passé. Plus sur « A cinq heures de l’après-midi« |
Maîtres et disciplesde George Steiner[Spiritualité et Religion]Qu’est-ce qui habilite un homme ou une femme à « enseigner » à un autre être humain, où réside la source de l’autorité ? L’enseignement authentique est le dévoilement d’un Logos révélé, diront les uns : c’est le modèle du maître qui enseigne […] Plus sur « Maîtres et disciples« |
Une certaine idée de l’Europede George Steiner[Histoire et Actualité]C’est avec le talent d’un imagier que George Steiner aborde son sujet de manière inattendue : « Les cafés font l’Europe, écrit-il. Ils vont de l’établissement préféré de Pessoa à Lisbonne aux cafés d’Odessa, hantés par les gangsters d’Isaac […] Plus sur « Une certaine idée de l’Europe« |
Dix raisons (possibles) à la tristesse de la penséede George Steiner[Philosophie]« Si nos processus de pensée étaient moins pressants, moins crus, moins hypnotiques, nos déceptions constantes, la masse grise de la nausée nichée au coeur de l’être, nous désempareraient moins. Les effondrements mentaux, les fuites pathologiques […] Plus sur « Dix raisons (possibles) à la tristesse de la pensée« |
Tolstoï ou Dostoïevskide George Steiner[Littérature étrangère XXe]On a pu dire qu’en demandant à un homme – ou à une femme – s’il préfère Tolstoï ou Dostoïevski, on peut « connaître le secret de son coeur ». Avec son érudition et sa verve coutumières, George Steiner explore ici les différences qui opposent […] Plus sur « Tolstoï ou Dostoïevski« |
Nostalgie de l’absolude George Steiner[Philosophie]La fin du christianisme et le retour du religieux sont décidément des thèmes à la mode. Sur le sujet, mieux vaut lire les ouvrages de George Steiner ou de Marcel Gauchet qui, s’ils sont très différents, ont le mérite commun de formuler les […] Plus sur « Nostalgie de l’absolu« |
Grammaire de la créationde George Steiner[Philosophie]Ce tournant de siècle est marqué par une lassitude foncière. Ontologique, dirait-on : la chronométrie intime, les contrats avec le temps qui déterminent si largement notre conscience indiquent la fin d’après-midi. Nous sommes des tard venus. […] Plus sur « Grammaire de la création« |
Le Sens du sensde George Steiner[Philosophie]Dans ce livre, qu’il a voulu intituler ‘Le Sens du sens’, on trouvera le texte d’une conférence fondamentale, donnée dans les trois langues qui déterminent sa vie et son espace culturel. George Steiner considère aussi sa conférence comme […] Plus sur « Le Sens du sens« |
Langage et silencede George Steiner[Philosophie]On a pu dire de l’oeuvre considérable de George Steiner qu’elle tourne tout entière autour du langage, de son sens et de ses conséquences morales et religieuses. On s’en convaincra aisément en lisant cet ouvrage écrit voici trente ans, par […] Plus sur « Langage et silence« |
Réelles présencesde George Steiner[Philosophie]Où peut-on trouver le sens des arts ou de la littérature lorsque les oeuvres authentiques s’effacent au profit de l’ère des commentaires journalistico-universitaires ? L’art contemporain, comme l’humanisme moderne, ont échoué car ils manquaient […] Plus sur « Réelles présences« |
Dans le château de Barbe-Bleuede George Steiner[Histoire et Actualité]Pourquoi avoir renommé ‘La culture contre l’homme’ ‘Dans le château de Barbe-Bleue’ ? Tout simplement parce que ces « notes pour une redéfinition de la culture » posent finalement la même question que le mythe du tueur de femmes : Y a-t-il […] Plus sur « Dans le château de Barbe-Bleue« |
Après Babelde George Steiner[Philosophie]George Steiner, Fellow du Churchill Collège de Cambridge et professeur émérite de littérature comparée à l’Université de Genève, élabore avec cet ouvrage non seulement une théorie de la traduction, mais une véritable philosophie de […] Plus sur « Après Babel« |
cet oubli n’a rien d’étonnant.