Élections américaines : l’angoisse de Léa Salamé au moment du retour sur terre


Par Jack Dion

« Mais que s’est-il passé ? ». Léa Salamé se pense comme femme puissante (le titre – au pluriel – du livre qu’elle vient de publier). Et, de fait, ne nous y trompons pas : puissante, elle l’est. Parce qu’elle fait partie de l’équipe de militants de gauche qui squatte la station de radio la plus écoutée de France et, peut-être surtout,  par le jeu de ses relations au cœur de l’alliance des élites bobos de droite et de gauche. Dans l’affaire de la présidentielle étatsunienne, l’objectif de cette alliance, élargie au plan mondial, était double, on l’a bien compris : assouvir sa haine de Donald Trump au spectacle de la déroute de ce dernier, annoncée et organisée, proclamer tout aussitôt, du même coup, la défaite des populismes, partout où ils exercent le pouvoir et partout où ce courant grandit. La vague bleue démocrate incarnée par un vieux patricien plutôt conservateur, mais adonnée, par la pression de sa base, à toutes les déviances les plus extrêmes de la postmodernité, post-nationale et diversitaire, signerait la fin de ces populismes tant redoutés. On la proclamerait urbi et orbi. Or, les conditions inattendues de la probable défaite de Donald Trump ont ruiné ces espérances et miné ce plan-là. Fût-ce dans l’échec, le populiste Trump et l’Amérique profonde, auront occupé tout le terrain, dominé la situation. La politique intérieure américaine n’est certes pas notre affaire. S’agissant de nos intérêts immédiats, Trump n’était pas idéal. Comme sous bien d’autres aspects. Ce qui doit nous importer était et reste que le vent ne s’arrête pas de souffler dans la direction des peuples qui ne veulent pas mourir. Dont le nôtre et ceux du vieux monde européen. En ce sens, la voie reste libre. « Mais que s’est-il passé ? ». Léa Salamé l’a compris : une défaite de son camp. Une espérance inassouvie.  

L’article d’humeur qui suit est paru dans Marianne le 4 novembre.       

Le résultat du match Trump-Biden a surpris les éditorialistes, qui s’attendaient à une déroute du Président sortant. Ce n’est pas la première fois que les médias bien-pensants sont pris au piège. Pour Jack Dion, ces tête-à-queue à répétition méritent réflexion.

Il fallait entendre la détresse de Léa Salamé, dans la matinale de France-Inter consacrée à l’analyse de la présidentielle américaine. Rien ne s’était déroulé comme prévu. Elle en était toute retournée, la pauvre. Donald Trump devait être battu à plate couture, Joe Biden devait être plébiscité, c’était couru d’avance, les sondages le disaient semaine après semaine, la presse mainstream le proclamait depuis l’arrivée de Trump à la Maison Blanche, on préparait déjà les lampions de sa défaite annoncée.

Boum, les deux candidats sont dans un mouchoir de poche.

Et Léa Salamé de demander d’une voix angoissée à tous les invités du service public : « Mais que s’est-il passé ? ».

La réponse tient dans l’énoncé même de la journée organisée sur la radio susdite : « France Inter à l’heure américaine ». En étant à l’heure des élites de New York ou de Californie, qui n’ont rien retenu de la défaite de Hillary Clinton en 2016, il y avait toutes les chances de ne rien comprendre au résultat d’un président qui a certes tout pour déplaire, mais qui dispose d’une base populaire qu’il faudrait étudier (et pas seulement le temps d’un scrutin), non mépriser.

COMME DANS UN WESTERN

Sans doute est-ce trop demander à des gens qui voient le monde en noir et blanc, comme dans un western, avec des Bons et des Méchants, sans la moindre nuance, sans analyse des problèmes qui traversent une société, sans prise en compte de réalités sociales et culturelles qui ne se résument pas aux schémas simplistes entendus en boucle sur les médias, en France et aux Etats-Unis.

Thomas Jefferson, qui fut le troisième président des Etats-Unis (de 1801 à 1809), disait : « Le peuple est à ma connaissance le dépositaire le plus sûr des pouvoirs ultimes de la société. » Le problème, c’est que les faiseurs d’opinion, à quelques rares exceptions, sont à des années-lumière du peuple, ce qui ne les empêche pas de prétendre parler en son nom, au risque de se retrouver pris au piège.

Voilà pourquoi le résultat électoral prend tout le monde médiatique à contre-pied. Ce n’est pourtant pas la première fois, et sans doute pas la dernière, des deux côtés de l’Atlantique.

GENS DE BIENS CONTRE GENS DE PEU

Sans trop remonter en arrière dans le temps, rappelons-nous le triste spectacle vécu en 2005, quand le peuple osa dire « Non » au Traité Constitutionnel Européen (TCE). À l’époque, déjà, quiconque osait contester la logique du TCE était traité de populiste, ou de national-populiste (version plus sophistiquée), voire de fasciste en herbe. Quand Manuel Valls, qui avait d’abord pris parti pour le « Non » se rallia au « Oui », il le fit en expliquant, dans une tribune publiée par Le Monde, que l’Europe était menacée par une vague de « populisme ».

En somme, les Français n’avaient pas voté en connaissance de cause, mais par peur, par réflexe animal. Le débat européen était déjà ramené à un clivage entre les gens de biens, membres d’une avant-garde éclairée, et les gens de peu, ignorants, bêtes et revêches.

Depuis cette époque, la dénonciation du « populisme » revient comme un leitmotiv dans les discours des intellectuels médiatiques. Il est devenu le passeport idéologique qui permet de passer toutes les frontières en ayant la prétention d’expliquer n’importe quelle situation, nonobstant les données historiques, géographiques et politiques.

LES PINCETTES DU MÉPRIS

On a pu le vérifier lors du Brexit. L’idée même de vouloir quitter le navire européen fut considérée comme un coup de poignard dans le dos, administré par un Boris Johnson transformé en ennemi public numéro 1. Certains allèrent même jusqu’à voir la main de Moscou dans le résultat du vote, tout comme ils l’avaient décelé dans la défaite de Hillary Clinton. Vu que Poutine, comme d’autres, est classé d’office dans le camp du Mal, on peut lui prêter toutes les intentions, même les plus maléfiques.

On en a eu un autre exemple lors du mouvement des « Gilets jaunes ». Faute de pouvoir en comprendre les raisons profondes, le discours médiatique a pris cette révolte populaire avec les pincettes du mépris.

À cette occasion, ont refleuri les raccourcis, les jugements à l’emporte-pièce, les conclusions hâtives, afin de transformer cette éruption populaire en un mouvement néo-poujadiste, raciste, voire préfasciste. Les « Gilets jaunes » ont aussitôt été assimilés au Rassemblement national, étant entendu que la percée de ce dernier n’est pas davantage analysée, sauf pour crier au loup d’extrême droite, sans jamais se demander comment enrayer son OPA sur une frange importante des couches populaires.

Et voilà comment tourne la roue d’une histoire qui échappe aux radars de la bien-pensance. À chaque fois, comme dans la bouche de Léa Salamé, on entend la petite voix qui demande, au lendemain d’une déroute politico-idéologique : « Mais que s’est-il passé ? »

2 commentaires pour “Élections américaines : l’angoisse de Léa Salamé au moment du retour sur terre

  1. De la même manière les bien-pensants nieront qu’il y a eu fraude si Biden est élu
    Pauvres américains qui auront un « président par correspondance »
    Personne d’ailleurs, sauf un peu sur France culture n’analyse les conséquences pour les européens en général et les français en particulier de chaque scénario.

  2. Donald TRUMP a fait plus de voix qu’en 2016 où il fut élu ( 70 au lieu de 62 millions de voix) et surtout des voix de l’Amérique réelle . En plus si celà peut flanquer des cauchemars à la grande majorité des journalistes des grands média alors là TANT MIEUX

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