La métamorphose de Noël : de la célébration de la Nativité des deux glaives, le verbe et l’esprit, à la bouffée délirante consumériste (1)


PAR RÉMI HUGUES.     

Jésus-Christ dit à ses apôtres : « Mais maintenant, que celui qui a une bourse la prenne, de même celui qui a une besace, et que celui qui n’en a pas vende son manteau pour acheter un glaive. Car je vous dis qu’il faut que s’accomplisse en moi cette parole de l’Écriture : Il a été mis au rang des scélérats [Isaïe, 53 : 12]. Aussi bien, ce qui me concerne touche à son terme. » – « Seigneur, dirent-ils, il y a justement ici deux glaives. » Il leur répondit : « Cela suffit ! » (Évangile selon saint Luc, 22 : 36-38)              

En dépit de la recrudescence des contaminations au covid-19, liée à l’apparition du très contagieux variant omicron, les Français ont pu se réunir et célébrer les fêtes de Noël, à l’exception de ceux qui ont été testés positif, forcés à l’isolement, que modère le niveau de sophistication des moyens de communication actuels. Les médias ont rapporté qu’au sein de certains foyers une tablette a fait office de convive, laquelle diffusant un appel vidéo dudit convive cloîtré à cause de son état médical, et donc empêché d’une présence réelle au festin qu’accompagne normalement les célébrations de la Nativité.

Sauf que, laïcisation de notre société oblige, nombreux sont ceux qui aujourd’hui non seulement évitent soigneusement de se rendre à la traditionnelle messe de minuit mais surtout ne songent aucunement au fait que Noël est une fête religieuse commémorant la naissance de Jésus-Christ qui, d’ailleurs, perpétue les festivités païennes du solstice d’hiver.

Noël est devenu la grande fête capitaliste par excellence ; un prétexte à la gloutonnerie qui enchante les géants de la distribution, très heureux de voir qu’à la passion religieuse s’est substituée la passion consumériste.

Cette transformation s’accéléra au XIXe siècle ; Charles Baudelaire, qui en fut le témoin privilégié, s’en plaignait, car à ses yeux les marchands du Temple en avaient fait une fête servile. On peut subodorer l’angoisse qu’il éprouverait en découvrant ce mythe nouveau que l’on raconte aux enfants : celui du Père Noël, figure centrale de la stratégie publicitaire d’une célèbre marque de soda, qui est un Dieu de substitution, doté des mêmes attributs : omniscience, omnipotence et omniprésence.

En l’espace d’une poignée d’heures il distribue ses cadeaux à des milliards de marmots. Il est ainsi omniprésent, partout à la fois au même moment.

Quand, dans l’œuvre éponyme, Candide et son fidèle Cacambo voyagent sur un carrosse porté par des moutons volants pour découvrir l’Eldorado – soit la conception voltairienne du paradis terrestre – Santa Claus, lui, a le pouvoir de se déplacer dans le ciel sur un traîneau tiré des cerfs ; là réside son omnipotence, outre sa surface financière faramineuse, mais qui respecte scrupuleusement, vous l’aurez remarqué, les inégalités de ressources entre les familles[1].

Et il sait exactement ce que désirent les enfants, certains d’entre eux ayant pris soin de lui adresser par lettre la liste des cadeaux qui leur font envie. C’est en cela que consiste son caractère omniscient.

Le jouet, au cœur de Noël

Dans « Le joujou du pauvre », poème en prose du recueil Le spleen de Paris, Baudelaire souligne que le jouet le plus cher n’est pas forcément le plus fascinant, puisque l’enfant riche délaisse son onéreuse poupée au profit d’un rat vivant que l’enfant pauvre tient dans une cage grillée.  

Noël peut ainsi être un moment douloureux pour les ménages les plus modestes qui doivent faire face à la pression sociale qui contraint chacun à offrir à ses enfants un Noël conforme à celui des autres. Baudelaire ne précise pas si c’est à l’occasion de Noël – cela pourrait être sinon pour son anniversaire – que les parents de l’enfant pauvre durent tirer de la vie elle-même, autrement dit de la nature, ce jouet de fortune qu’est ce rat. ■  (À suivre)

[1]Ce qui n’est pas sans rappeler la maxime de Ludwig Feuberbach dans L’essence du christianisme : « L’homme pauvre a un Dieu riche », laquelle pourrait s’appliquer au sieur Père Noël.


À lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même (Cliquer sur l’image)

 

 

 

Publié le 27.12.2021 – Actualisé le 22.12.2022

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1 commentaire pour “La métamorphose de Noël : de la célébration de la Nativité des deux glaives, le verbe et l’esprit, à la bouffée délirante consumériste (1)

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