Géopolitologue, Aymeric Chauprade s’interroge sur les raisons qui ont poussé le Mali à expulser notre ambassadeur alors même que la France a sauvé l’État malien du terrorisme international. Une explication à chercher du coté de l’offensive russe en Afrique de l’Ouest.
Vous êtes géopolitologue et ancien député européen. Le Mali a donné 72 heures à notre ambassadeur pour quitter le territoire. C’est une étape de plus dans la crise malienne. Quelle est votre analyse sur l’éjection manu militari de notre ambassadeur ?
C’est évidemment un échec politique pour le gouvernement français, dans un pays où nous avons eu une influence certaine depuis longtemps. Si on analyse l’opération Barkhane sur le plan militaire sur les 9 ans, c’est un succès. Malgré les 58 militaires tués, nous avons porté des coups très forts aux djihadistes dans la région. Le djihadisme a été contenu et c’était la mission. On ne peut pas détruire ou résorber un mal qui dure depuis longtemps et qui durera encore longtemps. Le fondamentalisme va toujours puiser et se renouveler, mais le problème a été contenu. Barkhane est militairement un succès. En revanche, il y a un échec politique à Bamako et dans la région parce qu’il y a eu d’autres coups d’État. La nature ayant horreur du vide, les Russes sont en train de profiter de la situation pour implanter les gouvernements qui leur sont favorables.
À partir du moment où nos troupes sont engagées depuis 9 ans sur le territoire malien pour repousser les assauts djihadistes, comment expliquer que le Mali ait soudainement envie d’en finir avec la présence française sur son sol ?
C’est effectivement assez surprenant. On peut dire que les différents gouvernements maliens qui se sont succédés ont survécu grâce à l’armée française qui empêchait ces gouvernements de tomber face aux poussées islamistes. Je dirais que le problème c’est que la France mène aussi un combat qui est idéologique sur le terrain de l’état de droit et des droits de l’Homme. Il y a une forme d’ingérence que certains gouvernements africains supportent mal. Cela nous retombe dessus comme un effet boomerang. On le voit avec cette junte, le gouvernement de transition devrait en réalité durer longtemps puisqu’il a annoncé qu’il resterait jusqu’en 2026. La France a poussé pour des sanctions économiques. Il y a en ce moment un bras de fer entre cette junte et le gouvernement français et pendant ce temps-là, la France mène son opération militaire Barkhane avec succès et l’opération Tacouba qui a une dimension européenne multinationale. Les gouvernements maliens supportent mal le multilatéralisme.
Ils ont exigé le départ des troupes danoises.
Exactement. Il y a donc un ensemble de facteurs. Si on restait sur un bilatéral franco-africain, on arriverait à maintenir notre influence avec beaucoup plus de clarté.
Cela paraît-il illusoire de montrer les muscles face aux Russes dans la crise ukrainienne dans la mesure où visiblement nous ne sommes pas capables de nous faire respecter sur le plan politique et diplomatique par les Maliens qui ne doivent la survie de leur État qu’à la présence de l’armée française pour parler crûment ?
À partir du moment où les Russes ne peuvent plus faire grand-chose en Europe, ils ont cherché de nouvelles opportunités économiques et géopolitiques et ils sont venus en Afrique. Ils sont venus discuter notre influence sur notre terrain. On voit qu’au Mali, en Guinée Conakry ou au Burkina Faso il y a une poussée de la Russie pas officiellement mais via des groupes paramilitaires. C’est clairement la Russie qui avance. On se trompe de combat en essayant de favoriser l’Ukraine, alors que la France devrait veiller à son partenariat stratégique en Afrique où il y a beaucoup de choses à faire à l’avenir. Je fais partie des gens qui croient dans l’importance de maintenir, pour la France, sa présence en Afrique pour une relation politique et économique. ■
Entretien par…
Cet article sur l’Afrique qui fut française est une bonne occasion de remettre les pendules à l’heure sur cette fameuse Conférence de Brazzaville du 30 janviert au 8 février 1944. Contrairement à cette descrition mythique dont on nous rebat les oreilles d’un De Gaulle visionnaire, les conclusions, tout comme les injonctions de De Gaulle, sont loin de la Doxa actuelle:
Et d’abord, qui est là ? Le CFLN avait initialement envisagé de réunir tous les gouverneurs de tous les territoires libres, mais doit y renoncer du fait des difficultés de communication liées à la guerre. La conférence réunit finalement les représentants administratifs des territoires français d’Afrique, autour du général de Gaulle et de René Pleven.Aucun indigène africain n’y prend part, six envoyant cependant des rapports qui sont lus au cours d’une séance consacrée au problème de la coutume familiale et sociale.
Dans le domaine administratif, diverses mesures de réorganisation sont envisagées, mais il n’est pas question de limiter le pouvoir des chefs de colonie, dont l’extension est au contraire proposée.
Si sur le plans socio economique , les voeux pieux abondent dans le sens d’une ouverture et d’une liberéalisation envers les indigénes, ce qui ne mange pas de pain en cette période de guerre totale, sur le plan politique, la conférence est nettement plus conservatrice s’agissant de l’organisation politique de l’Empire français : si les termes de « Fédération française », de « personnalité politique » ou de « responsabilité politique » apparaissent, leur sens demeure ambigu. Le texte final, rédigé conformément aux souhaits du général de Gaulle, écarte cependant l’idée d’émancipation des colonies en repoussant, avant même de préciser ses recommandations, « toute idée d’autonomie, toute possibilité d’évolution hors du bloc français de l’Empire : la constitution éventuelle, même lointaine, de self-governments [auto-gestion] dans les colonies est à écarter ». Le texte impose que « les colonies jouissent d’une grande liberté administrative et économique. On veut également que les peuples coloniaux éprouvent par eux-mêmes cette liberté et que leur responsabilité soit peu à peu formée et élevée afin qu’ils se trouvent associés à la gestion de la chose publique de leur pays. » Est également préconisée la création d’un organisme nouveau, une assemblée fédérale qui devra, tout en respectant la liberté locale des territoires, « affirmer et garantir l’unité politique infrangible du monde français » (wikipedia)
Ce « faux départ » ( Pierre Montagnon) montre que le « visionnaire » avai surtout un but: asseoir sa main mise sur le Pouvoir à la libération proche en métropole, son seul but depuis 1940, en s’appuyant sur l’Empire colonial., manoeuvre que l’Ermite de Colombey reprendra en 1958 en s’appuyant sur le désespoir des Euopeens d’Algérie et de l’Armée sacrifiée pour des prunes, en leur promettant un avenir radieux dans une France souveraine et protectrice « sans qu’aucune mesure concrète ne soit décidée. » . Lisez la conclusion du Vice Amiral Muselier dans » De Gaulle contre le gaullisme » écrit en 1946. Tout ce mythe y est décortiqué.