
Par Radu Portocala.
Les génies qui nous dirigent se bousculent – et nous bousculent – à la porte aux contours pas très clairs du « tout numérique ». Dématérialiser est leur stupide mot d’ordre. Forçons le réel à s’effacer au profit du virtuel ! Abolissons le papier, si peu écologique qu’il sera bientôt regardé comme criminel ! Changeons le monde en une monstrueuse succession de 0 et de 1 ! Fini l’argent liquide impossible à surveiller ! Faisons circuler nos dossiers médicaux et notre état civil le long de ces minuscules fibres de verre, rangeons nos vies entières dans des disques durs dont nous ignorons même où ils se trouvent.
Tout cela est tellement parfait ! Mais voilà qu’il arrive que cette perfection grince. Notre compte bancaire a été piraté à la fin de la semaine dernière. Des individus en Lituanie veulent dépenser notre argent. Mon compte au laboratoire d’analyses a été piraté aussi. Qui, à part mon médecin, connaît maintenant l’état de mon sang ? Ils me demandent par SMS de l’argent pour des analyses que je n’ai pas à payer. Donc, ils ont aussi mon numéro de téléphone. Tout cela en trois jours. La banque ne sait rien, n’y peut rien. Le laboratoire encore moins.
Le brigandage a évolué. On n’attaque plus votre diligence, on attaque vos comptes. Tous. C’est tellement plus simple ! Les brigands n’ont plus besoin d’attendre cachés au bord des routes. Ils restent chez eux, volent votre argent et votre vie devant leurs écrans, fumant et buvant du café. C’est le monde intelligent et sûr auquel nous condamnent des politiciens imbéciles fanatisés par le « progrès de la technologie » que nul ne maîtrise. Et obsédés par le besoin de contrôler les moindres fragments de nos existences. ■
Court billet paru le 3 mai sur la page FB de son auteur.
Ouvrages publiés (Liste non exhaustive) :
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Autopsie du coup d’État roumain, Calman-Lévy,1990
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L’exécution des Ceausescu, Paris, Larousse, 2009
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Le vague tonitruant, Paris, Kryos, 2018
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La chute de Ceausescu, Paris, Kryos, 2019