
Par Front Populaire, La Rédaction.
Nous n’ajouterons pas de commentaire à notre titre qui dit que nous partageons l’analyse donnée dans cet article signé de la Rédaction de Front Populaire (le 1er mai).
ARTICLE. À Heidelberg le mois dernier, le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a livré une attaque en règle contre la technocratie bruxelloise fédéraliste et a plaidé en faveur d’une Europe des nations. Une vision assez éloignée du projet européen prôné par Emmanuel Macron.
On s’en doutait, la Pologne risquait assez peu de se rapprocher de la vision européenne de la France d’Emmanuel Macron, celle qui invoque une souveraineté européenne qui n’existe pas, et qui invite à penser en Européen. À l’est de l’Union européenne, on préfère vanter les mérites d’une Europe des nations fortes. C’est la vision partagée par le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, le 20 mars 2023 à Heidelberg, dans un discours retranscrit sur le site Le Grand Continent, qui a marché dans les pas de celui d’Emmanuel Macron sur le projet européen exprimé le 22 janvier à Cologne.
Celui qui est en fonction depuis novembre 2019 a un adversaire : Bruxelles et sa bureaucratie. « Lors de la crise de la dette » en 2008, « nous avons constaté un conflit évident entre les pays du sud de l’Europe, la Grèce, l’Italie et l’Espagne », et « les institutions supranationales qui prenaient des décisions économiques en leur nom sans mandat démocratique » rappelle le Premier ministre polonais qui estime alors que l’Union européenne a « rencontré les limites de la gouvernance supranationale en Europe ». L’homme fort de Varsovie va jusqu’à dénoncer une « utopie technocratique » et un « néo-impérialisme, qui a déjà été discrédité par l’histoire moderne ».
Mateusz Morawiecki y voit même la trace d’un « court chemin » pour que « l’UE devienne une autocratie bureaucratique ». Il met alors en garde « tous ceux qui veulent créer un super-État gouverné par une élite restreinte », tacle à peine déguisé en direction du président français et de sa vision européenne. La représentation d’un peuple européen unifié n’a pas la faveur du Premier ministre polonais qui alerte : si « nous ignorons les différences culturelles, le résultat sera l’affaiblissement de l’Europe et une série de révoltes », car, « la tentative d’unifier artificiellement l’Europe au nom de l’abolition des différences nationales et politiques conduira en pratique au chaos et aux conflits entre Européens ».
« l’Europe devrait être une cathédrale du bien »
Difficile de ne pas y entendre une allusion aux déboires constitutionnels récemment rencontrés par la Pologne. Ayant subi des pressions européennes, Varsovie s’est vue contrainte d’abolir sa réforme de la justice, jugée non conforme, car ne garantissant plus l’indépendance de la justice en Pologne. Le pays de l’Est a également subi de nombreuses pressions quant à sa politique vis-à-vis de la communauté LGBT et la dénonciation des zones sans LGBT. « Il ne devrait pas y avoir de place en Europe pour la censure ou l’endoctrinement idéologique », se défend le Premier ministre pour qui « l’Europe devrait être une cathédrale du bien et une université de la vérité ».
Sans qu’on sache bien de quel bien et de quelle vérité il s’agit précisément, on imagine bien qu’ils sont assez éloignés des valeurs européennes défendues par Emmanuel Macron. En parlant de valeurs, Mateusz Morawiecki estime que « frapper les autres avec le fouet des “valeurs européennes” sans se mettre d’accord sur leur définition ou sans comprendre quels changements doivent être apportés par les États d’Europe est autodestructeur ».
« Retrouver leur pleine autorité sur les traités »
En décembre 2021 Emmanuel Macron listait ces valeurs dans une déclaration sur la défense des valeurs de l’Union européenne : « le respect de la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’État de droit, ainsi que le respect des droits de l’Homme y compris les droits des personnes appartenant à des minorités sont essentiels à proprement parler à notre Europe ». Il dénonçait en miroir, « la montée d’un conservatisme [incluant le gouvernement conservateur polonais] d’une forme nouvelle, antilibérale, profondément, revenant sur nos valeurs » et appelait à « un régime fort » sachant « protéger en son sein la contestation, le pluralisme, les oppositions et la générosité de valeurs qui sont les nôtres ».
Ces affirmations ne laissent pas de marbre la Pologne. « la tentative de l’Europe d’aujourd’hui d’éliminer cette diversité, de créer un homme nouveau, déraciné de son identité nationale, revient à couper les racines et à scier la branche sur laquelle nous sommes assis », rétorque le Premier ministre polonais dans son discours, souhaitant que « les États membres doivent retrouver leur pleine autorité sur les traités ». Pour ce faire il propose « un meilleur équilibre » ainsi qu’une réduction du « nombre de domaines de compétence de l’UE », là où Bruxelles n’a eu de cesse que d’étendre sa pieuvre technocratique.
Pour autant, si la Pologne propose un projet européen plus en faveur des nations, elle n’en reste pas moins très préoccupée par la situation internationale, qui guide sa vision profondément opposée à la Russie de Vladimir Poutine. « La coopération transatlantique et l’OTAN en particulier se sont révélées être l’alliance de défense la plus efficace qui soit », considère d’ailleurs le Premier ministre. Sans l’implication « des États-Unis et — peut-être — de la Pologne, l’Ukraine n’existerait pas aujourd’hui », estime Mateusz Morawiecki. Mais si le projet européen alternatif désiré passe par une soumission officielle vis-à-vis de l’OTAN et des États-Unis, comme c’est déjà grandement le cas, pas sûr qu’il soit aussi séduisant qu’il en a l’air. À quoi bon quitter un premier impérialisme pour se jeter dans les bras d’un second ? ■
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