Par Schichan François joseph.
COMMENTAIRE : Cette tribune est parue dans Le Figaro d’hier 7 août. Personne ne se réjouit de violences embrasant la rue et la société. Anglaises en l’occurrence, mais les mêmes ou à peu près se produisent ailleurs en Europe, et pourraient bien nous toucher aussi. Ou nous réveiller si l’on veut ben sortir du culpabilisme imposé et mortel. Répétons-le : la violence source, la violence-origine, c’est d’avoir conduit des politiques d’immigration massive, contraignant à coexister des populations autochtones installées dans leur pays depuis des siècles, avec des masses venues d’autres continents, cultures et civilisations. S’imaginer que cette coexistence bien plus qu’improbable ne finirait pas par produire un jour des violences inscrites dans la nature et dans la logique des choses était un pari perdu d’avance. C’est fait. Et l’inconscience, l’indifférence, l’irresponsabilité des élites, aristocraties et puissances financières, politiques ou morales, face aux conséquences à en attendre, en particulier de la part des classes les plus modestes méprisées, telle est à notre avis la violence première, la violence-mère. Quand ces classes populaires parfois très pauvres, voient leurs enfants menacés ou tués et que leur colère explose, les donneurs de leçon feraient mieux de se taire. Ou de prononcer leur Mea culpa.
TRIBUNE – Les violentes émeutes anti-immigration au Royaume-Uni sont le résultat de l’incapacité de la classe dirigeante à traiter politiquement la question de l’immigration, analyse François-Joseph Schichan, ancien diplomate au Royaume-Uni.
François-Joseph Schichan est ancien diplomate au Royaume-Uni, consultant en géopolitique et affaires européennes au cabinet de conseil Flint Global.
« Le meurtre des trois fillettes à Southport par un fils d’immigrés rwandais, qui a provoqué ces émeutes, a été l’étincelle tragique au sein d’une société devenue une véritable poudrière. »
Les émeutes anti-immigration au Royaume-Uni révèlent au grand jour les divisions profondes de la société britannique sur la question migratoire et l’incapacité de la classe politique à y apporter des réponses. Le meurtre des trois fillettes à Southport par un fils d’immigrés rwandais, qui a provoqué ces émeutes, a été l’étincelle tragique au sein d’une société devenue une véritable poudrière. Au cours des dernières décennies, le Royaume-Uni a connu une immigration de masse qui a peu d’équivalents parmi les grands pays démocratiques occidentaux. Jamais la population britannique n’a été consultée sur ce choix délibéré qu’ont fait tous les gouvernements successifs, conservateurs comme travaillistes.
Malgré la promesse du Brexit de « reprendre le contrôle » des frontières pour limiter l’immigration, c’est en 2023, sous un gouvernement conservateur, qu’a été battu le record d’entrées légales nettes au Royaume-Uni, qui se chiffre à près de 700.000 individus. Cette immigration massive a été imposée aux Britanniques. Quiconque s’y opposait était – et est toujours – qualifié de raciste. Pendant longtemps, le Royaume-Uni a connu des niveaux élevés d’immigration sans, semble-t-il, en payer les conséquences. Contrairement à la France, le pays offrait l’image d’un multiculturalisme heureux, avec ses communautés immigrées visibles mais intégrées.
En réalité, les divisions internes à la société britannique augmentaient peu à peu en intensité. Ce multiculturalisme heureux en apparence a eu un prix élevé : celui des renoncements successifs aux valeurs démocratiques – par exemple en laissant la loi islamique s’appliquer en partie dans certains quartiers ou encore en faisant preuve d’une tolérance coupable à l’égard de certains islamistes radicaux. D’une manière générale, le Royaume-Uni a donné de plus en plus de droits exceptionnels aux nouveaux arrivants, tout en sanctionnant socialement ceux qui s’opposaient à l’immigration. Cette tension ne pouvait qu’aboutir au point de rupture où nous sommes aujourd’hui.
Face aux émeutes, le nouveau premier ministre britannique, élu il y a à peine un mois, a eu raison de s’impliquer et de s’exprimer à plusieurs reprises pour tenter de calmer les esprits et de faire revenir l’ordre. Mais ses interventions ont eu l’effet inverse : en refusant de nommer le problème sous-jacent à ces émeutes et en limitant la question posée par les meurtres tragiques de ces trois fillettes à un problème lié à « l’extrême droite », Keir Starmer a nié la souffrance légitime d’une grande partie de la population de l’Angleterre. Pour le gouvernement travailliste, la responsabilité des émeutes est attribuée tour à tour à Nigel Farage, à l’extrême droite, à Vladimir Poutine, aux réseaux sociaux – mais jamais à la cause réelle des émeutes, c’est-à-dire l’immigration de masse.
Les travaillistes comme les conservateurs ont poursuivi la même politique en faveur de l’immigration de masse malgré les messages clairs envoyés par l’électorat britannique, notamment lors du référendum sur le Brexit de 2016
Le gouvernement entend déployer des moyens démesurés pour stopper ces émeutes – surveillance massive, assignations à résidence, censure sur les réseaux sociaux, mobilisation totale du système judiciaire et carcéral. Cette détermination à « punir l’extrême droite » tranche avec l’impuissance à traiter le problème sous-jacent. Keir Starmer, qui vient d’être élu, ne peut certainement pas être tenu pour directement responsable des incidents de Southport. Mais il incarne une certaine élite dirigeante qui prône depuis des décennies l’immigration de masse. Lui et son gouvernement, ainsi qu’une grande partie de l’opposition conservatrice, ont une incapacité idéologique à parler de la réalité telle qu’elle se présente aujourd’hui.
Le problème fondamental de cette situation est que, au Royaume-Uni, cette colère ne trouve pas de débouché politique et électoral. Les travaillistes comme les conservateurs ont poursuivi la même politique en faveur de l’immigration de masse malgré les messages clairs envoyés par l’électorat britannique, notamment lors du référendum sur le Brexit, en 2016. Or, les peuples se révoltent lorsqu’ils ne se sentent pas écoutés. La situation actuelle au Royaume-Uni n’est peut-être pas le début d’une guerre civile, comme certains l’affirment, mais constitue un avertissement sur les conséquences de l’immigration de masse sur nos sociétés démocratiques occidentales.
Le modèle britannique du multiculturalisme, comme le modèle français, a échoué sur toute la ligne. L’immigration de masse détruit la confiance entre les individus, qui est l’un des biens communs fondamentaux de nos démocraties. Elle transforme des sociétés cohérentes en sociétés incohérentes. Cela aboutit à la fragmentation sociale dont les émeutes de ces derniers jours sont un triste symptôme. Se limiter à une répression contre ceux qui mettent en évidence cette réalité, comme le fait aujourd’hui le gouvernement britannique, ne peut que renforcer le problème. Maintenir l’ordre est un objectif légitime et nécessaire, mais il importe surtout de traiter les causes de ce malaise profond. Si nos gouvernements, au Royaume-Uni comme en France, ne se consacrent pas à cette tâche urgente, alors les événements qui ont débuté à Southport nous montrent à quoi pourrait ressembler le monde de demain. ■ FRANÇOIS-JOSEPH SCHICHAN