
Cette chronique consacrée à la personnalité de Charles Gave, dont, en effet, le public est immense, mais est aussi controversée, est parue dans JDNEWS du 24 avril. Les commentaires sont ouverts. JE SUIS FRANÇAIS
Par Mathieu Bock-Côté.

« Il enseigne les arcanes de la finance et de la politique, à la manière d’un homme qui a vu le système de l’intérieur, et qui a décidé de l’exposer. Génial à sa manière, drôle, bourru, il tape à la hache rhétorique sur une caste qui s’accroche à ses privilèges bureaucratiques, et qui conduit notre civilisation à la ruine, en se gavant sur le dos des pauvres gens. »
CHRONIQUE. Dans sa chronique hebdomadaire dans le JDNews, Mathieu Bock-Côté rend hommage à Charles Gave, chantre du libéralisme puisant son inspiration dans les Évangiles.
Le libéralisme français n’a généralement pas bonne mine. Si vous croisez un de ses représentants dans un colloque savant, il a souvent les traits d’un professeur désenchanté en veste de velours côtelé usée, convaincu des vertus d’une philosophie qu’il croit par ailleurs vaincue d’avance. Il n’inspire ni la joie, ni l’esprit de conquête, même s’il est probablement honnête. Les libéraux de gouvernement valent-ils vraiment mieux ? Ceux du bloc central prétendent l’être parce qu’ils parlent tout le temps de l’État de droit et des marchés. Ils souhaitent pourtant étendre la censure et justifient des impôts toujours plus élevés. C’est pour eux qu’on a inventé le concept de libéralisme autoritaire. S’ils sont libéraux, je suis une cantatrice moldave.
Reste les libéraux de droite qu’on aime dire libéraux-conservateurs, trop souvent écartés, cela dit, entre leurs convictions et leur désir d’être respectables, ce qui les neutralise un peu. Ils veulent lutter contre la bureaucratie, avec raison. Ils maudissent la kleptocratie qui pratique le braquage fiscal. À la fin, comme les autres, à tout le moins pour la plupart d’entre eux, ils jouent au front républicain. Tout cela pour dire qu’on ne sait pas trop ce que veut dire le libéralisme, en France, et qu’on ne sait pas trop où il va. Mais il suffit peut-être d’élargir la focale pour voir les choses autrement. Car le représentant le plus vigoureux du libéralisme français est un jeune homme de 80 ans, qui a probablement plus d’énergie qu’un régiment de vingtenaires fringants, et qui à sa manière, enseigne la bonne parole depuis une trentaine d’années, avec ses livres et ses émissions de l’Institut des libertés.
Vous venez de reconnaître Charles Gave. Sa réputation, dans les grands médias, est celle d’un financier fortuné, qui soutient de nombreuses causes, et pour cela, d’ailleurs, ils sont nombreux à se présenter à sa porte pour obtenir un chèque, et puisqu’il veut servir la cause, souvent, il le donne. Les journalistes commissaires politiques de la presse de gauche cherchent à lui coller de sales étiquettes. Je ne pense pas me tromper en disant qu’il connaît à peine leur existence. Sa réputation pour le grand public est autres : il enseigne les arcanes de la finance et de la politique, à la manière d’un homme qui a vu le système de l’intérieur, et qui a décidé de l’exposer. Génial à sa manière, drôle, bourru, il tape à la hache rhétorique sur une caste d’Ancien Régime qui s’accroche à ses privilèges bureaucratiques, et qui conduit notre civilisation à la ruine, en se gavant sur le dos des pauvres gens. Son public est immense. Ce n’est pas un détail.
Charles Gave est libéral, et il croit que le libéralisme vient de loin, qu’il s’agit, en quelque sorte, d’une philosophie naturelle, conforme à ce qu’on sait de la nature humaine, et non pas d’une idéologie comme une autre. Il a cherché à nous en convaincre en 2005 dans Un libéral nommé Jésus, un ouvrage qu’il vient de rééditer, aux éditions Pierre de Taillac. Son objectif : « décrypter la pensée économique du Christ ». L’entreprise est étonnante, et convaincante. Non pas que Jésus soit un théoricien conscient de l’économie de marché, mais Gave nous montre comment, à la lecture des Évangiles, on trouve ce qu’on pourrait appeler une science de la nature humaine – ce sont mes mots, pas les siens, mais je ne crois pas le trahir en le disant ainsi. Qu’il s’agisse de la propriété, de l’endettement, du respect des contrats, ou du capital, il cherche à voir ce que les Évangiles en disent.
Charles Gave n’appartient pas à la caste des intellos officiels
La réponse est dans le titre de son livre : ceux qui se sont réclamés de Jésus pour nous imposer un socialisme censé traduire pratiquement son enseignement sont des illettrés ou des menteurs. Que chacun s’y plonge pour voir s’il en sera convaincu. Chose certaine, Charles Gave, le plus vigoureux essayiste libéral n’appartient pas à la caste des intellos officiels et mondains. Et c’est peut-être pour cela qu’il rend libéralisme vivant, et joyeux. ■ MATHIEU BOCK-CÖTÉ
S’il n’y avait eu que des libéraux, la France n’aurait ni Airbus, ni Ariane, ni le nucléaire…
Les libéraux nous racontent toujours les mêmes salades patronales, à la Mittal… puis se tirent avec les profits et le chômage des ouvriers.
Vive le Colbertisme.
Vive le colbertisme d’accord. Mais il ne faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour les canards sauvages il n’y a plus de colbertisme, il n’y a plus de Colbert. Il n’y a pas de Louis XIV, il n’y a pas de filiation sérieuse entre le colbertisme et les réalités étatiques de nos jours. Vous rêvez debout ! Sans aller trop loin, la France de Jérôme Monod est morte, archi morte, sous Macron, Attal et le vieux Bayrou. Les grands projets que vous mettez au crédit de l’État ont 70 ans. L’espace d’une vie. Il faut suivre les avis de décès !
@Raphaël : Je ne dis pas le contraire, hélas !
Où est le temps où il y avait une Datar et un Commissariat au Plan qui décidaient de réaliser le « Plan routier breton », d’aménager la côte pleine de moustique du Languedoc, qui installaient des usines d’État (billets) en Auvergne, l’imprimerie des timbres-poste à Périgueux… Qui irriguait la France de grands barrages, d’autoroutes, d’aéroports ?
Vous avez raison, tout ça est mort et si le Gouvernement décidait de créer ici ou là une implantation industrielle, il se ferait taper sur les doigts par cette foutue saloperie d’Europe. Et n’aurait pas le courage de passer outre de peur que le Luxembourg ou la Slovénie nous déclarent la Guerre.
Parmi les acteurs politiques du moment, un homme incarne ce que les commentateurs regrettent. On le sait car il expose sur le web, avec une générosité et une précision rares dans ce milieu, ses analyses et sa pensée. C’est, en ce moment, le meilleur représentant d’un colbertisme éclairé. Il propose de claquer la porte à cette « foutue saloperie d’Europe ». L’article 50 du traité de l’UE nous permet de déclencher légalement, immédiatement cette reconstruction d’un cadre pour la pais et la coopération entre, notamment, les partenaires d’Airbus et d’Ariane… et selon leur modèle. L’article 50, ainsi que s’en sont aussi convaincus Charles Gave et d’autres, mettrait instantanément fin aux chantages, trahisons, rackets, aventures et abus de pouvoir du clan von der Leyen et de ses procurateurs soi-disant français.
Or ce sont ces idées, ces hommes, qu’il est interdit de faire connaître aux Français Et ces procurateurs, agents duplices, qu’ils sont seuls autorisés à choisir dans les sondages, dans les media et les urnes.. Nous vivons dans un immense mensonge par omission.
Sus à l’Omission Européenne et à tous ses omissionnaires, pourrisseurs de notre vie.
Dans ma jeunesse (et un peu au-delà), j’ai beaucoup fréquenté un ami de mes parents, «homme d’affaires» très émérite, «parti de rien», «qui se fit tout seul», etc. ; bref, une véritable image d’Épinal de «l’ascenseur social à la française». C’était, humainement, un quidam plutôt sympathique, d’autant, qu’il était fort pittoresque, sans langue dans la poche et, par-dessus le marché, très chaleureux. Ayant commencé dans la carrière par une serrurerie, il aboutissait assez tôt à une situation économique spectaculaire. Et il savait argumenter, exactement à la manière de Charles Gave, plein de certitudes et, au fond, assez méprisant pour ceux qui n’avaient pas «réussi» comme lui… Cependant, il aimait «les artistes» et ne manquait jamais une occasion d’une bonne action en direction de ceux-ci, bonne action financière, cela va sans dire – en somme, il se payait le luxe de quelques indulgences auprès du culte républicain.
Lorsqu’il m’arrive d’assister à une péroraison de Charles Gave, je me rappelle le regretté Bernard Avrillon, de vingt ou trente ans son aîné, qui professait exactement la même chose, déjà, dès les années 60… Et pourtant, dans les années en question, tout ce qu’évoque Pierre Builly se mettait en place, les PTT servaient le chaland très simplement, commodément (jusque’à deux distributions matinales de courrier chez ma grand-mère, au fin fond de ce qui n’était pas même une «banlieue» lyonnaise, et une troisième l’après-midi, etc., etc.), les budgets de l’État étaient parfaitement à l’équilibre… Bon, je ne vais pas m’éterniser sur ce que tout le monde sait parfaitement, à commencer par tous les Charles Gave de l’économie libérale… Seulement, ils ne veulent pas en tenir compte : c’est commode pour le tambour de leurs raisonnements.
Cependant, à la longue, ils ont eu total gain de cause : après le bourgeoisisme triomphant et assassin des suites de 1789, quelque chose comme 150 ans plus tard, l’arrivisme des parvenus l’a emporté à son tour sur les précédents. Pour résumer, le bourgeois s’est voulu aristocrate jusqu’à ce que le socialiste, dès lors fabriqué, se fasse libéraliste, sans que l’on sache au juste comment démêler les histoires de cul des histoires de fric, sous couvert de considérations nouvelles qualifiées de «sociétales», néologisme en formica mal stratifié, dont on ne sait pas au juste ce qu’il veut dire exactement tant il est changeant.
Les Charles Gave se rengorgent, déplorant les causes dont ils sont les plus spectaculaires effets. C’est la même race que cette espèce de gangrène sur un autre versant du même tas d’ordures, je veux, par exemple, évoquer le type de cas représenté par le plus détestable encore avocat Juan Branco, dont la dénonciation de ce qui l’a fabriqué lui-même est devenu fonds de commerce.
Or, tout comme Juan Branco est allé voir comment cela se passait chez Mélenchon, Charles Gave a le toupet de se référer aux Évangiles pour justifier l’inconséquence de ses raisonnements, dignes de quelque une ou deux années d’école de commerce. Mais « il [lui] manque encore une chose : vends tout ce que tu as, distribue-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux». À interpréter avec la vulgarité toute sommaire du proclamé «fort en thème» les paroles du Christ comme il le fait, ainsi que tous ses semblables socialo-communistes (très également férus d’incultes à-peu-près en confucianisme), il aurait pu suivre cette parole que l’on trouve chez Marc (X, 21).
Le libéralisme, tant économique que «sociétal», c’est le triomphe institutionnalisé – dans des codes soigneusement évolutifs – de la bestialité, du lieu commun, des idées reçues, du préjugé individualiste, bref, stricto sensu, c’est de la pornographie, à savoir l’écrit relatif à l’exercice du comment on fait commerce (de «pernêmi» = “vendre” ; «graphein» = “écrire”).
Il n’est d’ailleurs pas anodin que ce genre de personnages déborde exagérément de libido et que ce soit dans les menées «entrepreneuriales» que l’on rencontre les mieux structurés des abus sexuels et autres perversités narcissiques.
Vous faites un contresens total sur Juan Branco, inutile d’en dire plus car si vous êtes honnête et attentif à ses propos vous pourriez vous en rendre compte par vous-même : un avocat qui va défendre un client, candidat à la présidentielle et emprisonné au Sénégal*, qui se retrouve lui-même incarcéré ça ne cours pas les rues. Inutile de dire que quelqu’un comme lui qui a toujours refusé de céder aux sollicitations de la caste au pouvoir, avide de ses qualités intellectuelles, et a pris le risque d’en dénoncer les turpitudes ne mérite pas vos propos mais bien au contraire une grande admiration.
Quant à Charles Gave, je suis toujours étonné qu’il ne réalise pas que le jeu de la spéculation, qu’il approuve, est intrinsèquement pervers, ce qui a accouché de la Dictature Actionnariale Globale (alias mondialisation économique) dans un monde où le manque de créativité et le sens du travail ont été détruits (« l’horreur économique ») par la bureaucratisation étouffante des multinationales. Si nous comprenons que ces dernières, poussées par leur actionnariat, dans sa soif inextinguible d’argent frais, ont cru pouvoir fourguer leurs produits déficients, addictifs bien souvent nocifs en agissant sur les décideurs par le ruissellement torrentiel de la corruption, de façon à les faire acheter par la contrainte et la peur à des peuples entiers, alors nous pouvons comprendre ce que le Général de Gaulle avait voulu éviter par l’Accession des Salariés à la Copropriété de leur Entreprise. En effet, le retour au sens du travail avec le fait de réhabiliter l’esprit de service par une vision claire des effets du produit sur le client par un lien humain, celui du retour au réel, débarrassé des zombies victimes et bourreaux du genre Kerviel.
* lisez donc son témoignage sur les conditions d’incarcération
Tout est dans tout et réciproquement. Il y a du vrai dans ce qu’écrit David Gattegno. Mais il y a aussi du Clérembard dans son éthique. Comme il y a de la libido chez nos saints prêtres, autant que chez nos chefs d’entreprise si ce n’est plus . La société c’est le gros animal et le paradis n’y règne pas.