
Par Antoine de Lacoste.
Benjamin Netanyahou a finalement frappé l’Iran. L’attaque aérienne fut d’envergure avec plus de 200 avions utilisés en même temps, un chiffre sans doute inédit. Elle fut complétée par des attentats au sol visant notamment des ingénieurs nucléaires. L’Iran a riposté infligeant des dégâts importants à Israël. La situation est explosive.
C’est dans la nuit du 12 au 13 juin qu’Israël a mobilisé une grande partie de ses moyens aériens, aidé par des avions ravitailleurs américains. Plusieurs responsables iraniens ont été tués. Le mode opératoire et la précision des frappes démontrent, une fois de plus, que l’aviation israélienne est une des meilleurs au monde et que l’appareil sécuritaire iranien est gangrené par le Mossad, le service secret israélien.
La riposte iranienne fut à la mesure de l’attaque. Des drones bien sûr mais aussi des missiles hypersoniques qui ont facilement transpercé le dôme de fer israélien, décidemment bien en dessous de sa réputation.
Les victimes civiles sont importantes dans les deux pays mais il est bien trop tôt pour établir un bilan. Bien entendu, chaque camp crie victoire et menace l’autre d’une destruction totale.
Beaucoup d’observateurs occidentaux annoncent une grande victoire d’Israël et le début de la fin du régime iranien. L’affaire est plus complexe. Si l’attaque de l’Etat hébreu a confirmé que l’Iran n’avait plus de défense aérienne efficace, la riposte perse a montré la vulnérabilité d’Israël face aux missiles hypersoniques que l’Iran a lancés en grand nombre. Combien en a-t-elle ? C’est un secret bien gardé, mais il est probable que ce soit important : la guerre se prépare depuis longtemps. De plus, il semble bien qu’Israël ait gaspillé beaucoup de munitions sur des leurres, et se serait donc fait piéger à son tour.
Pour justifier son attaque, Netanyahou invoque l’imminence de la fabrication de l’arme nucléaire par son ennemi. Rien ne dit que ce soit vrai, et cela fait des années que le feuilleton est soigneusement entretenu.

En réalité, Netanyahou tente de profiter d’une conjoncture géopolitique favorable : après avoir affaibli le Hamas et le Hezbollah libanais, puis aidé à la chute du régime syrien, Israël n’a plus qu’un ennemi puissant dans la région : l’Iran. En l’attaquant, créant ainsi une inévitable escalade, il espère entraîner l’Amérique dans la guerre, ce qui pourrait provoquer la chute du régime des mollahs.
C’est un pari et il est bien risqué. Trump, malgré l’aide américaine constante à Israël, y compris dans les attaques des derniers jours, ne souhaite pas une guerre totale contre l’Iran. De plus il n’aime pas Netanyahou qui a ouvert une boîte de Pandore dangereuse et incertaine, y compris pour Israël. ■ ANTOINE DE LACOSTE

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Je suis sidéré par l’unanimité des réactions françaises – surtout de la « droite » — Quel que soit le sujet, quelles que soient les circonstances, Israël a toujours raison. Il va falloir expliquer cette unanimité. Le futur est assez sombre. Trump va-t-il tomber dans le piège tissé par Israël et les néoconservateurs ? Et tout son discours s’écroule. Ou va-t-il résister? Et il va exacerber le monde souterrain qui travaille à sa perte.
La question du «nucléaire iranien» est délibérément mal posée. L’enjeu du nucléaire c’est la capacité de DISSUASION, autrement, il n’ a aucune raison d’être.
Lorsque l’on entend parler du «monde multipolaire», celui n’apparaît acceptable que dans la mesure où les différents pôles ne seraient que les multiples têtes de la même hydre. Lorsqu’il est question, comme c’est aujourd’hui la mode, des «empires» ; sur le même ton, il n’est envisagé que les singeries impériales, celles que les idéologies fossiles consentent à admettre, à savoir : USA, Chine, Russie, et encore… Les réalités véritablement humaines sont tout à fait autres que cela, jusques et y comprises les réalités mal ruminées en tant que «géopolitiques», sur le ton du mâcheur de chouingue-gomme.
Dans le cas qui occupe le monde aujourd’hui, on fait l’impasse sur l’Iran, qui est bel et bien un authentique «empire», plus réel que le préfabriqué américain ou le mal fagoté européen. Si, dans l’économie belligérante actuelle, l’Iran était doté du nucléaire, cela dissuaderait, voilà tout. Et ce ne serait pas rien… C’est bel et bien une guerre de civilisation qui se déroule, et en toute réalité (les civilisations agressées par les robotisations de l’absence de toute civilisation institutionnalisée), sur des terrains d’opération multiples avec, pour tête de pont occidentale, l’État d’Israël – qui n’est plus historique, sauf à savoir qu’il n’a eu pour Histoire qu’un laps de temps tenant au temps de l’existence physique du Temple, après la chute duquel, le peuple hébreux est revenu à sa condition nomade originelle. S’il ne consent pas à la condition qui est la sienne, qui est suréminemment NOBLE, il ne peut que déchoir de lui-même et, par conséquent, se préfabriquer à son tour, ou se mal fagoter, tel un sinistre as de pique. On ne peut évidemment pas développer ici cette question essentielle à la condition humaine et, d’ailleurs, plutôt mystérieuse, de ce que Guénon a eu la belle inspiration lexicale de dénommer «les peuples en tribulation», mais il serait sensiblement bienvenu que, lorsque l’on a le toupet de lancer des anathèmes moraux contre un quelconque peuple, cela ne soit pas confondu avec les très honorables «jactances» guerrières, qui sont d’une tout autre nature.
Ce n’est pas une guerre d’Israël contre (peu importe qui), mais l’ultime tentative occidentale – c’est-à-dire celle de la matérialiste Modernité – pour étendre une hégémonie de plastification («vitrification» aime-t-on à dire pour le genre d’opération en question) sur notre bon vieux globe terraqué.
J’ose gager que, comme pour l’Afghanistan attaqué par les Soviétiques, il pourrait se produire des choses très imprévues dans le cas présent de l’Iran. En priant Dieu que je ne rêve pas.
Et que l’on ne vienne pas me moraliser à coups d’arguments visant à réduire les choses à ce qui est momentanément actuel dans le régime iranien, il est question de ce qu’il peut avoir survécu de la haute intellectualité civilisationnelle de la grande Perse, égale à celle de la grande Chrétienté, de la centrale Chine, de l’universelle Inde, des vastes pays de plaines, montagnes et forêts parcourus par les guerriers peaux-rouges, des Hauts Plateaux incas…
Vive Dieu, Premier Servi !