Voilà un socialiste qui est arrivé au pouvoir dans un parti, le Labour, travaillé à l’époque par un républicanisme latent et parfois agressif; assez souvent militant, et hostile à la royauté par principe.
Et puis, après s’être frotté aux réalités du pouvoir, ce socialiste -plutôt idéologue au départ…- a pu apprécier toute la sérénité qu’apportait la Royauté dans la conduite des affaires politiques; l’impartialité dont elle faisait preuve; le cadre apaisé dans lequel elle permettait que s’exerce le jeu naturel et souhaitable des alternances légitimes apportées par les élections régulières: bref tout ce que nous n’avons plus, chez nous, depuis la révolution et a cause de la révolution; et qui a fini par le séduire, lui, le socialiste, au départ républicain actif et militant. On a souligné, en son temps, l’importance, l’intérêt -et la justesse…- du film « The Queen », de Stephen Frears, lui aussi fort éloigné de la royauté au début du tournage de son film, et puis peu à peu comme absorbé par son sujet au point d’évoluer lui aussi d’une façon tout à fait inattendue au départ….
Tony Blair a connu une deuxième mutation, d’ordre plus personnel et plus intime, mais non moins dénuée d’importance: sa femme étant catholique comme chacun sait, son évolution « politique » s’est doublée d’une évolution « spirituelle », de l’anglicanisme au catholicisme. Il n’est certes pas le premier, en Grande Bretagne, depuis les coups d’éclat au XIX° siècle de personnalités de premier plan, comme Henry Newman par exemple, mais son évolution est là aussi significative. Tony Blair a « franchi le pas », comme tant d’autres avant lui. Il a choisi de s’inscrire dans ce mouvement qui semble, malgré sa lenteur, irrésistible, et qui fait qu’aujourd’hui, en Angleterre, les catholiques dépassent en nombre les anglicans, et ce pour la première fois depuis la séparation tragique d’avec Rome opérée par Henry VIII. Tony Blair découvre ou re-découvre les vertus de l’Unité. Et d’une discipline qui, si elle a ses contraintes, n’en protège pas moins des graves dérives que l’on voit se multiplier au sein d’une « communion anglicane » dont on devra très bientôt parler au pluriel, et peut-être aussi au passé…..
Du républicanisme à l’acceptation loyale de la royauté, et de l’anglicanisme au catholicisme: la double évolution de Tony Blair est-elle purement anecdotique et personnelle, stricto sensu, ou peut-on en tirer quelque leçon? Certes, ce n’est pas ce qui va changer la face du monde, et on n’y verra sûrement pas l’évènement majeur du siècle! Pourtant cela nous montre, et c’est plutôt réconfortant, que l’idéologie a ses limites, pour peu bien sûr qu’on reste « libre dans sa tête » et que l’on sache regarder les réalités et les choses comme elles sont vraiment. Mais surtout, cela nous montre aussi que les Institutions (Église, Royauté…) séduisent toujours, malgré les vicissitudes. Et, plus encore que cette simple constatation, c’est une invitation qui est lancée à ces Institutions: pour continuer à séduire, elles doivent rester fidèles aux intuitions de leurs origines, et -comme le disait très fortement Alexandre Soljenitsyne, en parlant de l’Église Catholique et de la Papauté- elles doivent surtout « ne pas renoncer à leur maximum »…..
A ce simple prix-là, l’avenir non seulement n’est pas bouché, mails il peut être meilleur…..
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