Lu sur le site du Centre royaliste d’Action Française (http://www.actionfrancaise.net) cet intéressant entretien avec Eric Zemmour ( propos recueillis par Charles Moussay ).
AF Votre dernier roman, Petit frère, part d’un fait divers, l’assassinat d’un jeune homme habitant dans le XIXe arrondissement de Paris par un de ses amis, l’un étant de confession juive, l’autre musulmane. Voulez-vous dire que l’appartenance religieuse prime toute autre appartenance dans la France contemporaine ?
EZ Je ne donne pas seulement une résonance confessionnelle à ce fait divers. Yazid tue Simon parce qu’il est juif, mais aussi parce qu’il ne veut pas lui prêter de l’argent, mais aussi parce qu’il veut réintégrer sa « bande », et qu’il lui offre en quelque sorte un crime rituel. Enfin, il tue Simon parce qu’il veut être Simon. Il le tue pour détruire ce qu’il veut devenir. Religions, tribus, bandes, communautés, je montre une génération en quête d’appartenance collective parce qu’on l’a privée de l’appartenance nationale. Personne ne se sent français. On se sent juif, musulman, noir, chinois, ou encore algérien ou marocain, ou encore du 9-3, mais français est devenu une insulte de cour de récréation, l’insulte suprême. Dans mon roman, le fils du concierge, Kevin Boucher, dix ans, demande un jour à son père de faire ramadan. Pour ne plus être esseulé.
AF Il y a dans le roman un personnage étonnant, un homme politique qui découvre peu à peu la communautarisation de la société française. Vous lui faites dire que la France a le privilège « d’avoir la plus grande communauté juive et aussi la plus grande communauté musulmane d’Europe ». Et vous mettez dans sa bouche cette phrase terrible : « Une allumette et tout peut sauter. » N’y a-t-il plus moyen désormais de sortir de la logique communautaire ? Sommes-nous vraiment à la merci de conflits communautaires à large échelle ?
EZ Cette phrase m’a réellement été dite par un ministre. Je crois que la France est un pays de guerres civiles. En France, on croit que tout finit par des chansons. C’est faux, découvre mon narrateur. Tout commence par des chansons, et tout finit dans le sang.
AF Où est le problème principal pour vous : la déliquescence du modèle républicain et des instruments d’intégration comme l’école et l’armée ; le reflux de la culture française au bénéfice d’une culture étrangère américaine incapable de donner aux nouveaux venus, étrangers ou pas, une conception du monde propre à faire rêver et à faire aimer la France ; un trop grand afflux d’immigrés ?
EZ Les trois fronts convergent pour rendre la situation explosive. Nous aurions peut-être pu supporter l’une des trois… Nos politiques ont renoncé à se battre. Je me demande même s’il est possible de se battre sur ces trois fronts.
AF Un de vos personnages lâche tout à coup : « Baisse les yeux et trace. » Pensez-vous réellement qu’un grand nombre de nos compatriotes vivent ainsi dans la peur ?
EZ Oui. Je pense que dans les quartiers populaires, cette peur est omniprésente. Que des bandes font régner la terreur. Un de mes personnages, le concierge, les appelle « armée d’occupation », car ils règlent la vie de l’immeuble à leur rythme. Je pense que c’est beaucoup plus fréquent qu’on ne le dit, d’autant plus que ces bandes et leurs trafics alimentent beaucoup de gens qui, grâce à eux, remplissent le caddie.
AF Vous alternez des essais en général à grand succès (on se souvient du Premier Sexe en 2006 et de votre portrait de Jacques Chirac, L’Homme qui ne s’aimait pas, en 2002) mais aussi des romans (Le Dandy rouge, 1998, L’Autre, 2004) ; qu’écrivez-vous avec le plus de plaisir ? Voulez-vous être un romancier ou un essayiste ?
EZ J’aimerais bien garder ces deux fers au feu. J’aime écrire les deux types de textes. Ce n’est pas le même style, et pas le même plaisir. Pour l’essai, un plaisir intellectuel; pour le roman, un plaisir plus sensuel. On ne dit pas les mêmes choses non plus, en tout cas pas de la même façon, même si certains me reprochent de mettre trop d’idées et de thèses dans mes romans. Je suis persuadé au contraire que c’est le roman intimiste, autofictionnel, déconnecté de la réalité sociologique et politique qui tue le roman français actuel.
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