Courant novembre, Jean Sarkozy a alimenté la polémique en affirmant, dans Le Point, qu’il était favorable au droit de vote des étrangers non européens aux élections locales. «En réalité, cela existe déjà, mais uniquement pour les ressortissants des pays de l’Union européenne. Pourquoi pas les autres ?» .
Le sujet est intéressant, et important, et c’est la raison pour laquelle nous avions publié, le 12 octobre (1), un article de Robert Redeker qui revenait longuement, et intelligemment, sur ce point. Il ne s’agissait bien sûr pas, pour nous, d’être entièrement d’accord avec la totalité de ce que pense Redeker sur le sujet, mais de saluer une démarche fondée en grande partie sur le rejet de l’idéologie, même si sur tel ou tel point nous pouvions, évidemment, nous trouver en désaccord avec lui…
Au tout début de son long article, Redeker écrit ceci, qui est un premier argument de taille (il y en a d’autres…) contre ce droit de vote aux étrangers auquel se rallie aujourd’hui Jean Sarkozy :
« …..Posons la question : est-il cohérent d’accorder, comme le veut le Parti socialiste, comme le gouvernement de Zapatero s’apprête à le faire en Espagne, le droit de vote aux élections locales et de le refuser aux élections nationales ? Une telle mesure introduirait une véritable schizophrénie dans le concept de citoyenneté. Elle couperait la citoyenneté en deux. Certaines personnes seraient citoyennes dans leur commune ou leur canton, mais pas dans la circonscription législative ni dans l’État. Elle instituerait deux séries de citoyens ; par suite, elle fabriquerait des citoyens de seconde zone qui ne manqueraient pas de réclamer rapidement de devenir des citoyens à part entière.
Une démagogie parallèle à la démagogie en faveur des sans-papiers, de type compassionnel et «abbépierriste», s’escrimerait à créer de l’agitation à effet médiatique afin d’obtenir l’alignement des deux niveaux de citoyenneté. Être citoyen, c’est appartenir à une communauté politique. La scission, voulue par les promoteurs de ce projet, entre deux types de citoyenneté (locale et nationale), suppose que la France est une mosaïque de communautés politiques. Une vision féodale de notre pays perce derrière cette division de la citoyenneté. L’histoire, qui est celle de la centralisation, et les institutions nous disent pourtant le contraire : la France n’est constituée que d’une seule communauté politique, le peuple, propriétaire inaliénable de la souveraineté nationale. Autrement dit, le droit de voter aux élections locales dérive du droit de voter aux élections nationales. Les partisans de ce projet paraissent l’ignorer. Le geste de voter ne se divise pas.…».
Tout ceci nous semble assez juste. Mais, en réalité, ce débat pose « la » question de fond : celle de la Nation. Qu’est-ce qu’une Nation ? Qu’est-ce que la Nation française ? Qui peut dire qu’il en fait partie, et à quelles conditions ? Parle-t-on, en effet, d’un simple cadre géographique, dans lequel n’importe qui, venu de n’importe où, se contente de simplement revendiquer un maximum de droits (ce que Finkielkraut appelle « le tiroir caisse »…) en s’abstenant soigneusement -dans la plupart des cas…- de même évoquer le mot de « devoirs » ?
Ou bien s’agit-il, ce qui est évidemment notre conception, d’une communauté de destin, qu’implique un héritage assumé ?
Ce n’est pas tout à fait la même chose, on en conviendra aisément… Jean Sarkozy n’a-t-il pas une façon quelque peu expéditive, et réductrice, de poser le(s) problème(s) ?…..
(1) : Voir la note « Droit de vote aux étrangers : la confusion. », dans la catégorie « Immigration : Identité ou désintégration Nationale ? ».
(2) : Il devrait relire (ou lire, peut-être ?…) Renan : « …Une nation est une âme, un principe spirituel… Deux choses constituent cette âme : l’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs, l’autre est le consentement de continuer à faire valoir l’héritage indivis… »
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