Il nous faut suivre l’évolution du monde. Economique, politique, géopolitique. Et aussi, l’évolution des esprits qui l’observent avec quelque compétence, culture historique, connaissance du terrain, bon sens. Il nous semble que François Lenglet est de ceux-là. Son livre Tout va basculer paru il y a à peine un peu plus d’un an, a fait grand bruit. Sa thèse a été amplement médiatisée, discutée. La crise économique de grande ampleur que nous vivons n’a fait que confirmer et activer les évolutions qui déjà, selon lui, s’annonçaient. A-t-il en tous points raison ? Il serait dérisoire de le penser. Mais plus encore, pour ce qui nous concerne, de nous en désintéresser. Je Suis Français vous propose donc à dater de ce jour une suite d’analyses reprises de son ouvrage. Ce sont des citations limitées, choisies. Elles dessinent néanmoins les contours de sa thèse, qui ne sont pas sans rapport avec notre propre ligne politique. Nous recommandons bien-entendu la lecture du livre lui-même.
Chaos et désir d’ordre
En bref, en 2019, tout craque. La politique. L’économie. La géopolitique. C’est tout l’ordre ancien qui se délite sous nos yeux.
Un chaos ? Pas si sûr. Il y a une puissante raison souterraine à tout cela. Une cause qui est à l’oeuvre et s’amplifie depuis plusieurs décennies. Notre crise de 2019 n’a rien d’un phénomène météorologique qui se serait formé récemment, sous l’effet de facteurs contingents et imprévisibles. Elle ressemble au contraire à un tremblement de terre, longuement préparé par des mouvements de l’écorce terrestre.
Il faut en effet observer que ces trois crises procèdent toutes de la même cause : la fin d’un long cycle libéral, qui a mis à mal l’espace national sans lui substituer d’ordre social et politique intelligible. Ce cycle est né dans les années soixante, il a été initié par la génération de l’immédiat après-guerre, qui voulait davantage de liberté. Il s’est développé, amplifié, mondialisé, jusqu’à sa maturité, au tournant des années quatre-vingt-dix.
Puis il s’est caricaturé et dénaturé, jusqu’au krach financier de 2008 et au krach politique de 2019. Pour le comprendre, il faut donc revenir cinquante ans en arrière, au fil des « années en 9 » — celles dont le millésime se termine par le chiffre neuf. Étranges années, qui semblent révéler toutes les tensions accumulées au cours de la décennie qu’elles ferment. Ces années en 9 marquent plus que les autres l’évolution idéologique qui fait se succéder les cycles antagonistes, ponctués par des crises. De 1969 à 2019, c’est l’histoire de la jeunesse, de la maturité et du déclin de la génération libérale.
Nos crises d’aujourd’hui ne sont en effet que l’aboutissement de ce long dérèglement — au sens le plus littéral, la disparition des règles et des frontières. C’est la mondialisation qui a malmené l’organisation de nos pays mise en place après la guerre. Organisation économique tout d’abord. La disparition, ou l’effacement des frontières, a eu en effet un impact considérable sur la distribution des richesses et des revenus. Abaisser les frontières nationales en supprimant les réglementations ou les taxes, c’est faciliter la circulation du capital et des entreprises, qui se fixent alors dans les régions les plus compétitives. C’est donc mettre en concurrence ceux qui proposent leur capacité de travail, en particulier les non-qualifiés ou les faiblement qualifiés. Dans un marché ouvert comme l’Europe, Peugeot a désormais le choix de faire fabriquer la 308 en France ou en Slovaquie, où les salaires sont trois fois plus faibles que chez nous alors que la productivité n’y est pas moins bonne. Inutile de s’interroger longtemps sur la décision qu’a prise le constructeur. (A suivre, demain dimanche). ■
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