Par Jacques Léger.
L’un de nos amis marseillais qui a bien voulu nous confier en exclusivité le fruit de ses recherches sur l’épopée de la duchesse de Berry, mère du duc de Bordeaux, futur Henri V, plus connu sous son titre de courtoisie de Comte de Chambord. Une suite en 12 épisodes, du 25 avril au 7 mai – sauf dimanches.
Le temps de se procurer de faux passeports et le voyage reprit. Un long voyage par Carcassonne, Toulouse, Agen, Bergerac, Bourbon-Vendée, qui se passa sans incidents notables. Il faut dire que la police du régime était partie sur une fausse piste. Persuadée que, du fait de l’échec du coup de Marseille, la duchesse n’était pas descendue à terre, elle pensait avoir mis la main sur elle en retrouvant le Carlo Alberto, en panne à La Ciotat.
Elle y avait découvert et arrêté à son bord une femme qu’elle soupçonnait d’être la Duchesse ! C’était en fait sa femme de chambre, Mme Lebeschu.
Arrivée donc sans encombre en Vendée, où elle n’eut pas de peine à trouver des refuges, Marie-Caroline put mesurer le peu d’enthousiasme que soulevait son projet de soulèvement. Mais, italienne et lectrice de Walter Scott, elle était ainsi faite que son enthousiasme résistait à toutes les mises en garde, y compris celles, pressantes, venant de ses partisans parisiens.
Elle donna l’exemple de l’engagement en se déguisant en homme, ou plutôt en garçon – pantalon, perruque et bonnet de laine, sourcils passés au charbon – et en prenant le nom de guerre de Petit-Pierre. Elle fixa au 24 mai la date du soulèvement de la Vendée.
Les choses tournèrent au désastre, mais cette fois un désastre sanglant. Un contrordre avait été notifié par le maréchal de Bourmont repoussant le soulèvement au 4 juin, mais certains chefs ne le reçurent pas et passèrent à l’attaque le 24 mai. Non seulement ils subirent de sérieuses pertes mais, de surcroît, ils mirent ainsi en alerte les autorités qui renforcèrent les moyens militaires et policiers.
Si bien que le 4 juin, malgré d’authentiques actes de bravoure, les troupes de la duchesse (moins de 2 000 hommes) furent écrasées.
Chacun l’adjurait de partir, y compris Charles X qui, depuis Prague où il était désormais hébergé, lui fit parvenir le message suivant :
« Soyez bien sûre, ma chère enfant, que je connais mieux que vous ne pourriez le faire dans la position où vous êtes l’état réel des affaires, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, et c’est avec la certitude de ne pas me tromper que je considère que la prolongation de votre séjour en France devient de moment en moment plus funeste à nos intérêts ».
Rien n’y fit. La réaction de la Duchesse fut du Walter Scott :
– Robert Bruce ne monta sur le trône d’Ecosse qu’après avoir été vaincu sept fois, j’aurai autant de constance que lui.
Sur ces mâles paroles, elle alla s’installer à Nantes, tout près du vieux château ducal, chez les demoiselles de Guigny, deux vieilles filles dévouées à la cause. (À suivre, demain vendredi) ■
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La principale tentative de dissuader la duchesse de Berry de déclencher le soulèvement fut l’envoi par l’état-major légitimiste parisien de l’avocat Pierre-Antoine Berryer. Après avoir discuté toute la nuit du 22 mai 1832, Marie-Caroline sembla renoncer. Mais, dès l’avocat parti, elle revint sur sa décision. Berryer fut arrêté le 6 juin et emprisonné quatre mois avant que les poursuites soient abandonnées. Cf mon livre « Pierre-Antoine Berryer, défenseur de la justice, des libertés et du roi », Comité du Vieux-Marseille, 21 bd Longchamp, 13001 Marseille, 04-91-62-11-15.