« Notre-Dame ne sera pas seulement la preuve de ce que nous fûmes, mais de ce que nous pouvons encore être »
Par Paul Melun.
Ce jeune auteur, déjà bien connu des lecteurs et des téléspectateurs, a le goût et le talent de la transmission, bien sûr de la littérature, de la mémoire et de l’héritage. Il a rédigé cette chronique qui ne pourrait être que de circonstance mais qui va au-delà et se projette vers un avenir digne du passé de la France. Le plus beau Royaume qu’on ait vu sous le Ciel. Une belle chronique donc, pour les jours et la semaine qui viennent – qui, de fait, seront consacrés à Notre-Dame.
« Dans cette renaissance, il y a plus qu’une prouesse technique ou artistique : il y a une leçon sur ce que nous sommes, nous, Français. »
CHRONIQUE. La renaissance de la cathédrale Notre-Dame de Paris incarne un défi relevé par des bâtisseurs qui, loin des écrans de fumée, ont œuvré avec opiniâtreté et talent. L’essayiste Paul Melun salue ce chantier titanesque, symbole éclatant de ce que la France a de meilleur en elle.
Cinq ans après le drame, le nuage de poussière qui avait enseveli Notre-Dame de Paris s’est dissipé, laissant place à une lumière nouvelle. La cathédrale s’élève de nouveau face à la Seine, majestueuse, comme si elle avait emprunté au Phénix sa capacité à renaître de ses cendres. Dans cette renaissance, il y a plus qu’une prouesse technique ou artistique : il y a une leçon sur ce que nous sommes, nous, Français.
L’histoire des cathédrales s’inscrit dans celle de notre civilisation, et leur âge d’or, entre le XIIᵉ et le XIVᵉ siècle, fut l’une des plus grandes aventures humaines et spirituelles. Ces édifices, qui aujourd’hui encore frappent par leur monumentalité, leur audace et leur souffle sacré, furent les fruits d’une époque où l’homme voulait s’élever au plus près de Dieu. L’élévation de la pierre était alors l’écho d’un élan collectif, un projet où chacun, du tailleur de pierre à l’architecte, offrait une part de son âme à l’éternité. Victor Hugo, dans Notre-Dame de Paris, rendit un hommage vibrant à cette époque, décrivant la cathédrale comme un livre de pierre où chaque chapiteau, chaque gargouille racontait un fragment de notre histoire commune.
Ces bâtisseurs de cathédrales, anonymes pour la plupart, incarnaient ce que la France sait faire de meilleur : allier le génie technique à une certaine transcendance. Les cathédrales gothiques furent des défis lancés à la gravité, des audaces architecturales où les arcs-boutants défiaient l’impossible. Elles furent aussi des lieux de rassemblement, le cœur battant d’une vie communautaire qui réconcilie le sacré et le profane.
Notre-Dame, comme tant d’autres, porta cette ambition. Depuis ses fondations posées au XIIᵉ siècle, elle a vu défiler les rois et les révolutions, les guerres et les renaissances. Et lorsqu’au XIXᵉ siècle, elle sombrait dans l’abandon, un autre bâtisseur lui redonna vie : Eugène Viollet-le-Duc. Plus qu’un restaurateur, il fut un visionnaire, comprenant que l’architecture est une matière vivante, qu’il faut savoir protéger sans l’enfermer. Il fit de Notre-Dame un symbole intemporel, conservant l’âme de ses origines tout en lui offrant la modernité de son temps.
Une France que l’on croyait oubliée
Aujourd’hui, c’est à nous qu’il revient de prolonger cet héritage. La résurrection de Notre-Dame est un défi relevé par des hommes et des femmes qui, loin des écrans de fumée et des discours inutiles, ont travaillé avec opiniâtreté et talent. Artisans, architectes, ingénieurs, donateurs et grands mécènes, chacun a contribué à ce miracle. Il y a, dans cette entreprise, une France que l’on croyait parfois oubliée : celle du travail bien fait, du dépassement, du génie collectif.
Mais à côté de cette cathédrale qui rayonne à nouveau, ne devons-nous pas tendre l’oreille aux appels plus discrets des églises rurales qui jalonnent nos campagnes ? Le patrimoine religieux français, ce sont aussi ces 5 000 petites églises en péril, témoins modestes mais tout aussi émouvants de siècles d’histoire, de foi populaire et de vie communautaire. Elles sont l’épicentre de nos villages, et leur sauvegarde ne peut dépendre uniquement de la générosité ou de l’engagement des quelques passionnés qui se battent pour elles. Il faut que chacun prenne conscience que ce patrimoine est l’affaire de tous, qu’il est aussi essentiel que les chefs-d’œuvre que nous contemplons dans les grandes villes.
Une grande nation se reconnaît à ses grandes œuvres, mais aussi à sa capacité à protéger ses racines. La France, fille des Lumières et des cathédrales, est encore capable de porter ce souffle. Notre-Dame nous rappelle que, lorsque nous cessons de renier notre passé, voire de le détester, nous savons bâtir pour l’éternité. Leçon donnée aux wokes et autres tenants de la cancel culture (ceux-là mêmes qui ignoraient le drame, voire se réjouissaient de voir la cathédrale en proie aux flemmes), ce chantier titanesque illustre ce que la France a de meilleure en elle.
Spinoza écrivait que « tout ce qui est beau est difficile autant que rare ». La reconstruction de Notre-Dame nous rappelle la profondeur de cette maxime. Elle nous exhorte à retrouver cette ambition d’élever des monuments — au propre comme au figuré — qui portent haut notre héritage et notre avenir.
Ainsi, Notre-Dame ne sera pas seulement la preuve de ce que nous fûmes, mais de ce que nous pouvons encore être. Les flammes, en dévorant la charpente, ont laissé intact l’essentiel : le symbole. À nous d’en être dignes, d’entendre ce que cette cathédrale murmure à notre époque. Oui, la France est et reste le pays des bâtisseurs de cathédrales. À nous de ne pas laisser tomber cet héritage en poussière. ■ PAUL MELUN
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