Damien Le Guay a lu l’ouvrage de Sylvain Gouguenheim, « Aristote au Mont Saint-Michel, Les racines grecques de l’Europe chrétienne ». Il publie la note de lecture suivante dans Famille Chrétienne (1), sous le titre « Et si l’Europe ne devait rien à l’Islam ? »
Bien faite, cette petite note ne peut que donner envie à ceux qui ne l’ont pas encore fait de lire l’ouvrage: elle en offre un résumé clair, qui va à l’essentiel et qui en fait bien saisir l’immense intérêt.
Espérons donc qu’avec beaucoup d’autres, elle tombera sous les yeux de nombreux lecteurs, qui iront ainsi à la source, au texte. Il s’agit d’un sujet majeur…..
L’Islam nous aurait transmis le savoir de la Grèce antique. Cette vulgate est battue en brèche par un historien.
Lorsqu’il était question des « racines chrétiennes » de l’Europe, ceux qui ne voulaient pas les affirmer mettaient en avant un héritage multiple: n’oublions pas la contribution de l’Islam a la formation de l’Europe.
Sur cette question, un historien, Sylvain Gouguenheim, révise bon nombre des opinions devenues de fausses « évidences ». Avec la fin de l’Empire Romain, on aurait perdu toute trace du savoir grec antique (celui d’Aristote en particulier). Mais il serait resté vivant en terre d’Islam. Et grâce aux musulmans, nous l’aurions retrouvé. Il est à l’origine du travail de Saint Thomas d’Aquin, puis de la renaissance, et de toute l’expansion de la culture européenne.
Or, nous dit cet historien, il n’en est rien. Quelles sont les croyances historiques que nous devons réviser ?
1°) L’intérêt pour la culture grecque ne s’est jamais perdu en Europe.
2°) La transmission des textes grecs ne s’est pas faite par l’Islam mais par des Arabes chrétiens, les Syriaques – tel Hunayn ibn Ishaq (809-873), « le prince des traducteurs ».Sans oublier l’immense travail de traduction d’Aristote, du grec en latin, au début du XII° siècle, par Jacques de Venise et les moines du Mont-Saint-Michel;
3°) Les grands admirateurs musulmans des Grecs (comme Avicenne ou Averroès) ne lisaient pas le grec et se contentaient des traductions en arabe faites par les syriaques.
4°) Quant à la réception de la pensée grecque en Islam, elle fut limitée, circonscrite, et n’eut pas d’impact sur la doctrine musulmane elle-même. L’Islam ne s’est pas hellénisé. Il n’y a donc pas eu d’« Islam des Lumières ».
Toutes ces thèses s’effondrent là, comme des châteaux de cartes: il n’y a pas eu de médiation de l’Islam pour sortir l’Europe des « âges sombres » du Moyen-Âge; l’Europe chrétienne s’est développée par elle-même. Ce livre de synthèse, clair, argumenté, didactique, indispensable, remet les pendules de l’Histoire à l’heure. Il était temps.
(1): FC, n°1584, du 24 mai 2008;
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