L’auteur a passé une quinzaine d’années dans les Services Spéciaux français, dans des activités opérationnelles, SDECE nom changé en DGSE. C’est donc perplexes et éberlués que nous sommes nombreux à avoir observé le déluge sur des activités de la NSA, sigle ne signifiant nullement Nuit, Silence et Amulettes, mais National Security Agency.
Ce département de la communauté du renseignement américain est très connu des professionnels ainsi que de la littérature spécialisée, ce qui représente au niveau international beaucoup de monde. Même s’il ne l’est pas du grand public …
Et donc cette vague d’étonnements, de surprises feintes, d’indignations théâtrales, d’affabulations accusatrices ont certes occupé des pages et des heures de media, mais sans que l’on perçoive le but de cette agitation, qui de toute évidence ne modifiera pas l’utilisation intensive de moyens techniques sophistiqués pour la promotion des intérêts des États Unis d’Amérique.
A Fort Meade, au plus près des oreilles de la NSA… :
http://www.liberation.fr/monde/2013/06/26/a-fort-meade-au-plus-pres-des-oreilles-de-la-nsa_914019
Les Services Spéciaux ont toujours cajolé des devises ronflantes. La DGSE affiche un Nox generat lumen, ou Ad augusta per angusta. La NSA américaine « They serve in silence ».
Il est très cocasse de lire ou d’écouter des anciens des Services français, ayant vaguement tenu des postes de responsabilités, venir doctement offrir des explications, alors qu’ils furent plutôt inexistants lorsqu’ils étaient en fonction…
Un peu de vocabulaire
Une série de synonymes : codage et code secret, chiffrement et chiffre, encryptement, cryptologie, les mêmes mots pour désigner l’action rendant illisible un message. Une fonction d’un service d’écoute est de « décrypter » le signal intercepté. C’est donc la course entre l’épée et le bouclier. Il est important de souligner que la France possède depuis l’origine de cette fonction (vers 1900) les meilleurs spécialistes des codes secrets, spécifiquement en la personne des mathématiciens des laboratoires de mathématiques de Normale Sup et de l’X, tel Jacques Stern (ci dessous, ndlr).
http://www2.cnrs.fr/presse/communique/947.htm
Classifié : c’est la mention attribuée à une information qui décide de son niveau de confidentialité et du droit à son accès, protégé par la Loi. Les échelles de classification sont variables selon les pays. Peu d’industries en sont pourvues.
Les natures du signal à transmettre, il n’y en a que trois : voix, texte ou image.
Les supports : il n’y en a que deux, le fil (aujourd’hui la fibre optique), et les ondes, transitant majoritairement par satellites.
Il n’y a que trois manières de récupérer du renseignement, ce que Richard Nixon appelait les Arts de la nuit :
* Par source humaine (donc un agent qui trahit; un de nos maîtres nous enseignait que recruter un agent, c’est fabriquer un traitre);
* Par intrusion clandestine dans des locaux;
*Enfin par moyens techniques, autrement appelés interceptions.
En dernière analyse, il n’y en a pas d’autres.
Un peu d’histoire
La NSA américaine fut créée formellement en Novembre 1952, en agrégeant plusieurs services d’écoutes qui fonctionnaient depuis l’entrée en guerre des États-Unis.
(lien : http://fr.wikipedia.org/wiki/National_Security_Agency)
Avec le Projet Manhattan (fabrication de l’arme atomique), la nécessité apparut de renforcer la protection du secret contre l’espionnage soviétique dès le début des recherches (1942). Un des résultats le plus connu fut l’arrestation et l’exécution des espions soviétiques Julius et Ethel Rosenberg (photo, ndlr), les États Unis préférant essuyer une violente campagne des relais de Moscou plutôt que de dévoiler la source de leurs informations (en l’espèce les interceptions radio).
Notons que la NSA n’a jamais réellement caché la puissance de ses moyens et son efficacité. L’action la plus spectaculaire vers le public ayant été en Juillet 1995 la déclassification de quelques archives (autour de 2.900 télégrammes soviétiques du KGB vers des illégaux aux USA, une goutte d’eau) de l’opération Venona, avec parfois des pseudonymes transparents (confirmation que Pierre COT était un agent soviétique), et d’autres conservant leur mystère (un ou une collaboratrice immédiate de De Gaulle à Alger en 1943, source soviétique, et identité connue des seuls Américains);
(lien : http://fr.wikipedia.org/wiki/Projet_Venona)
Au cours des cinquante dernières années la proportion de renseignements obtenus par moyen techniques a considérablement augmenté, représentant par exemple 90% de la production de la DGSE. La raison en est la facilité, moins dangereux que les deux autres procédés. De surcroit intercepter des ondes ne relève pas de l’atteinte à la vie privée. D’où la considérable montée en puissance de la NSA. Qui se chiffre par son budget. On répertorie seize services de renseignement américains pour un budget de 53 milliards $ (soit presqu’exactement la totalité du budget de la défense français; à noter que l’activiste américain Steve Aftergood avance le montant de 75 milliards $ …). Dans cette enveloppe la NSA pèse 11 milliards $, ce qui est absolument considérable (soulignons la disproportion avec le budget total de la DGSE soit 780 millions $, plus 73 millions $ de fonds spéciaux)
La France est suspendue aux Services américains pour son propre renseignement, autant qu’elle est une cible.
La lutte contre le terrorisme avancé par Washington, est un prétexte éventé depuis longtemps. Les quelques affaires dites françaises, proposées au public par nos Services dans ce domaine (DCRI) viennent de chez eux. Nous savons depuis bien longtemps que la mission de la NSA est le renseignement politique et économique dans le seul intérêt des États Unis d’Amérique, avec une surveillance tout azimut. En Mars 2000 le patron de la CIA, James Woosley (photo, ndlr), déclarait dans le Wall Street Journal que le renseignement américain espionnait tous les concurrents pour des raisons économiques.
Une bonne synthèse du bond technologique accompli ces dernières années par la NSA est toute entière dans la revue « Wired » de Mars 2012, détaillant la construction d’un gigantesque centre de stockage et de traitement dans l’Utah :
http://www.wired.com/threatlevel/2012/03/ff_nsadatacenter/all/
http://fr.wikipedia.org/wiki/Utah_Data_Center
Il faut être très clair qu’il n’y a aucune possibilité de légiférer pour contrôler cette activité qui n’empiète qu’à la marge sur la vie privée. Un appel via un téléphone portable suit un circuit très complexe dont une branche est par nature en transmission radio, donc ouvertement accessible.
Cette montée en puissance considérable de la NSA va de pair avec le développement des « data centers » où la France et l’Europe ont un retard dommageable, voire auront d’énormes difficultés à en retrouver la maitrise, si jamais…
La réponse de la France à cette situation est médiocre et relève du coup de menton. Ce fut à partir de 2003 une agitation pusillanime autour du concept foireux de « l’intelligence économique », et du « patriotisme économique », beaucoup de salive, beaucoup de papiers, beaucoup de temps perdu. Alors que les Américains ont créé les structures simples pour distribuer au mieux le produit du renseignement industriel et commercial vers leur tissu économique, la France n’a cessé de se pénaliser en s’interdisant de fournir la maigre moisson de ses Services à ses entreprises. Les plus acharnés à organiser cette frontière sectaire entre l’activité économique privée et l’État, n’ont pas eu la décence de se taire depuis que les media glosent abondamment sur les activités de la NSA. Sans le talent de John Le Carré.
Les cris de chat huant poussés par certaines autorités de la France peuvent laisser penser que les fonctionnaires ne lisent pas les journaux ! Alors qu’est public le budget de la défense américain qui est égal à la somme des budgets de la défense de tous les autres pays du monde.
Rien n’est confidentiel dans ce qui est écrit ici et la littérature professionnelle à la disposition du public est particulièrement copieuse.
nicole sur Mgr le Comte de Paris a…
“Erreur : les disparus sont célébrés le 2 novembre, le lendemain du jour de joie de…”